Edito 601

  • 29/07/2016
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Plus belle la commande publique, saison 3, épisode 9

« Dire qu’il partait en congé ce soir. Il avait loué un mobil home à Bar-le-Duc et voulait remonter la Voie sacrée à pied jusqu’à Verdun. Il s’en faisait une fête », déclare, atterré, Jérôme Mouin-Dizant au policier municipal, Matt Rack, un ancien légionnaire d’origine britannique plutôt chatouilleux, venu prendre sa déposition, alors que deux brigadiers embarquent son collègue Alain Fructuheux, en train de vociférer des noms d’oiseaux en cascade comme s’il avait subitement été frappé du syndrome de Gilles de la Tourette. « Okay, dis moi plutôt ce qui s’est passé exactement », coupe le représentant des forces de l’ordre de Pichade-sur-Mer, pressé d’aller taper son PV. « La journée avait bien commencé. Alain venait d’apprendre que le rapporteur public au Conseil d’Etat avait confirmé qu’un prestataire ne peut cesser l’exécution d’un marché, sauf cas de force majeure (lire notre article) », débute l’acheteur. « Okay et alors ? », questionne le pandore déjà agacé. « Il était en bisbille avec Gaspard Pain, patron d’une PME du bâtiment, qui l’avait menacé de stopper la réparation des toilettes publiques de la plage. En pleine saison ! Tout ça parce qu’il avait été écarté du MAPA de dorure des poignées de porte des bureaux du cabinet du maire. » « Okay, on s’en fout. C’est quoi le rapport ? ». « J’y viens, j’y viens. La situation a commencé à partir en vrille quand Alain a pris connaissance d’une autre affaire devant le Conseil d’Etat qui avait amené les juges à rappeler que les délais de recours prévus pour la communication de documents administratifs ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés dans la notification de la décision administrative de refus ou l’accusé de réception de la demande de communication, si la décision de refus est implicite (lire notre article). Il s’était rendu compte qu’il avait foiré et que l’ami Pain, qui avait demandé les pièces du MAPA, allait le faire marcher à la baguette », poursuit l’acheteur. « Okay, et c’est ce charabia qui a fait péter un câble à l’autre cinglé ? », insinue la flicaille. « Non, c’est surtout quand il a tenté de comprendre les nouvelles règles de la CAO (lire notre article) et les différences entre l’accord-cadre à marché subséquent, celui avec commandes directes et le mixte (lire notre invité du jeudi). Il a déchiré sa chemise, a léché un DCE avec sa langue spongieuse et a pris à partie le magistrat de la Cour régionale des comptes qui audite en ce moment nos marchés. » « Okay, et qu’est-ce qui lui a dit ? », demande le poulet territorial. « Il lui a hurlé des trucs du genre : bachi-bouzouk, coloquinte de bidet, pirate scrofuleux… » Bon allez, stop au délire, la rédaction prend ses quartiers d’été : rendez-vous le 29 août, pour de nouvelles aventures. Enfin, peut-être.

Jean-Marc Binot