Clause combat

  • 17/03/2017
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J’ai eu tellement du mal à en croire mes yeux, que je me suis pincé à plusieurs reprises jusqu’au sang, avec l’aide bienvenue d’une ancestrale paire de tenailles rouillée, trouvée au fond du jardin. Au début, toujours incrédule, j’ai mis cela sur le compte d’un manque de sommeil, lié à l’abus de pastilles bleues Matrix. Mais il faut se rendre à l’évidence, c’est bien réel : la commande publique fait le buzz et la presse grand public se met à parler des marchés publics, du Monde à BFM, en passant par l’Express et le Figaro. La désormais (trop) célèbre clause Molière (le pauvre Jean-Baptiste Poquelin, déjà enterré de nuit, ne méritait pas ça) est à l’origine de tout ce raffut et cette foire d’empoigne assez incroyable, puisque même le Premier ministre s’est senti obligé de donner son avis. On dirait que tout le monde découvre ce dispositif imaginé il y a pourtant maintenant plus d’un an par un élu d’Angoulême (il faut rendre à César ce qui lui appartient), et repris dans la foulée par les régions Hauts-de-France, Pays de Loire et Centre. En mai 2016, l’avocat Thomas Forray donnait, dans nos colonnes, son avis sur la légalité de cette mesure (lire l’article). Mais c’est vrai que la campagne présidentielle ne battait pas son plein. Les indécrottables optimistes, militants du « always-look-on-the-bright-side-of-life » des Monty Python, mettront en avant que les media grand public, pour une fois, ont parlé des achats autrement que sous l’angle de la corruption, du délit de favoritisme ou de la gabegie.  Les plus pessimistes, les neurasthéniques, les Cassandre et les oiseaux de mauvaise augure retiendront que tout cet attrait pour la fonction achats ne durera pas plus longtemps que la vie d’une rose dans un vase, surtout si l’on découvre demain qu’un candidat à la magistrature suprême se fait offrir ses sous-vêtements - taillés sur mesure - et ses fixe-chaussettes par un consortium militaro-industriel. Et qu’on ne parle pas assez du sourcing de la mairie de Versailles (lire notre article), de celui de Strasbourg avec son salon des achats (lire notre article), de l’allotissement du ministère de l’Intérieur (lire notre article), et des règles d’indemnisation en cas de résiliation du marché (lire notre article).  Bon allez, comme j’ai un trèfle dans le cœur, aujourd’hui je vois la vie en vert (et peut-être aussi demain). Erin Go Bragh !  A la semaine prochaine, sans doute.

Jean-Marc Binot