Au théâtre ce soir

  • 13/07/2017
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Acte I. Le rideau se lève sur une Marianne outrée par l’attitude de plusieurs membres de sa famille qui n’hésitent pas à défier publiquement les règles édictées par la princesse Europe, fille d’Agénor et de Téléphassa. Dans leurs fiefs respectifs, Alceste, prince de la Terre du Milieu, Orgon, comte de Saint-Quentin, ou bien encore Cléante, duc des Arvernes, ont décidé de porter le fer contre le recours abusif aux manouvriers détachés. La messe est dite : il n’y aura désormais point d’adjudication au profit d’entreprises dont les gueux ne parleront pas la langue de Rabelais. Acte II. Affligée de telles positions qu’elle juge discriminatoires, Marianne s’ouvre à Dorine, l’une de ses suivantes, de l’hypocrisie générale et de sa lassitude face aux fourberies de ces Scapin devenus subitement des champions de la lutte contre le dumping social, alors qu’ils ont été depuis des lustres des dévots du moins-disant. Ce sont des malades imaginaires : le smic ou les minima des accords de branches s’impose aux travailleurs détachés en France lorsqu’ils sont déclarés, lui rappelle la femme savante. Tout cela n’est que comédie électorale, il faut agir contre la fronde, conseille la servante. Acte III. Marianne bannit la mesure dans une longue missive transmise à ses missi dominici des différentes provinces. Lesquels sont chargés de châtier les fâcheux si le besoin s’en faisait sentir. Acte IV. N’écoutant que son devoir et pratiquement sûr de sa victoire, un de ces baillis traîne le baron du Pays Ligérien devant le juge du référé. Mais le procès tourne en sa défaveur. Fine mouche, la collectivité a gradué les obligations de maîtrise de la langue et de recours à un interprète en fonction de la sécurité publique et de la protection sociale. Il y aura peut-être un acte V mais on ne sait pas (encore) si la pièce sera produite au Palais-Royal. Vous allez penser que je suis avare de mots mais j’arrête là cette tartufferie digne des farces de l’illustre fils du tapissier Poquelin. A la semaine prochaine, peut-être.

Jean-Marc Binot