L’envers du paradis
Le système de planque de l’argent des multinationales dans des îles paradisiaques - pardon les stratégies d’évitement fiscal dans la novlangue politiquement correcte - ça représente un sacré magot. Vingt milliards de recettes fiscales évaporées uniquement pour la France à en croire Gabriel Zucman, professeur d’économie à Berkeley. En même temps, quoi de plus naturel que de disparaître aux Bermudes…Un vrai trésor, comparable à celui d’Erebor, amassé par les nains de la Moria depuis des siècles. Et aussi un paquet de marchés publics puisque la somme équivaut au montant des achats courants de l’Etat. Evidemment, tout le monde s’indigne, comme si on venait de découvrir le pot-aux-roses et le comportement sournois de sociétés qui sont également attributaires de nombreux appels d’offres. Le président du Sénat, Gérard Larcher, défendant l’achat éthique, s’est même demandé s’il fallait « continuer à passer des marchés publics avec des entreprises dont on sait qu'elles utilisent toutes les ficelles pour échapper à l'impôt commun ». Il compte faire une proposition au Palais du Luxembourg. C’est chouette mais je croyais, dans ma grande naïveté, que les soumissionnaires devaient déjà prouver qu’ils étaient en règle avec le fisc. Comparativement, les efforts des acheteurs pour amasser des gains liard par liard à la sueur de leur front, en challengeant les entreprises par des PSE (lire notre article) ou des CPE (lire notre article) relèvent de l’infiniment petit, du minus, du riquiqui, du boson. D’autant qu’un sou grappillé par l’acheteur n’équivaut pas automatiquement à un sou économisé dans le budget. Même si pour Raphaël Ruano, responsable du programme de modernisation des achats hospitaliers, « les gains achats sont des dépenses évitées, qu’elles se voient ou pas » (lire notre invité du jeudi). Bon allez je vous laisse réfléchir à vos éventuels crédits d’impôt, je prépare ma playlist avant de passer le week-end à Jersey, une île très accueillante à ce qu’il paraît. Après Taxman des Beatles et Raptou des Inconnus, il ne me reste plus qu’à charger ma ritournelle préférée, signée Gaston Montéhus : « Oh, oui ! La loi qu'il fallait faire/J' vous l' dis, messieurs du Parlement/C'est pas l'impôt sur les salaires/Mais c'est l'impôt sur les feignants. » A la semaine prochaine, peut-être.
Jean-Marc Binot
Jean-Marc Binot
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