Plus belle la commande publique, saison 5, épisode 4

  • 22/03/2018
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Sous une banderole « en grève », mot d’ordre rédigé maladroitement avec un feutre baveux sur un drap troué et défraîchi, Paul Ithique, représentant de l’Union nationale des syndicats d’acheteurs (UNSA), juché sur une table branlante près du distributeur automatique de café, exhorte les salariés de la direction de la commande publique de la mairie de Pichade-sur-Mer à débrayer et à voter, à main levée, le principe d’un arrêt de travail reconductible. « Et pourquoi on ne choisirait pas plutôt une grève perlée tous les vendredis », suggère timidement Thomas Gréhagré, universellement réputé pour son absence de zèle.  « Pas question, il faut montrer au gouvernement que nous serons intraitables : pas touche au statut et revalorisation immédiate des traitements », riposte le délégué syndical dont la diatribe est interrompue par l’arrivée de Gaspard Pain. « Qu’est-ce que c’est que ce souk ? », demande l’entrepreneur en bâtiment. « On réfléchit à entamer un mouvement social contre le gel du point », lui répond Bruno Desclozes, spécialiste de l’achat responsable. « Si vous avez des problèmes de chauffage, je connais un plombier polonais super pas cher que j’utilise souvent en sous-traitant. Z’avez qu’à m’envoyer un bon de commande. Votre grève, ça me fait penser que je n’ai pas pu acheter le sable et le gravier indispensables au béton nécessaire pour rafistoler le mur d’enceinte de l’école Georges Sorel, vu que la mairie n’a  toujours pas versé l’avance convenue. Le chantier ne sera pas livré à temps », commente le patron de PME dont la phrase est couverte par les vivats suite à la décision unanime de déclencher la lutte et d’organiser un piquet de grève devant l’ascenseur de l’étage. « Je vous conjure de ne pas céder aux provocations des policiers municipaux », avertit le responsable syndical. Thomas Gréhagré s’esclaffe. « Parce qu’on doit craindre d’être délogé par notre collègue Matt Rack? Son abdomen est devenu tellement proéminent qu’on a été obligé de prévoir un lot spécial lors du renouvellement du marché des vêtements professionnels. » Bon allez, je mets fin sans préavis à cet édito, qui, je le revendique, était un peu service minimum. A la semaine prochaine,  peut-être.

Jean-Marc Binot