Sous-critères : attention à la pondération

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Commet un manquement le pouvoir adjudicateur qui pondère de manière trop importante des sous-critères liés à des prestations accessoires à l’objet du marché. Pour le juge du référé précontractuel, l’entreprise requérante est dès lors susceptible d’être lésée, le caractère irrégulier de son offre provenant de l’illégalité commise.

Le pouvoir adjudicateur est de libre de choisir les critères d’attribution du marché, à condition que ces critères soient justifiés par l’objet. Le juge du référé précontractuel a sanctionné un pouvoir adjudicateur qui, dans le cadre d’un marché de fourniture de produits d’entretien et d’hygiène, a accordé une pondération trop forte à des sous-critères relatifs à des prestations accessoires qui représentent « à eux-seuls 50 points sur 100 du critère technique pondéré à hauteur de 70% ». Les sous-critères en cause concernent « un projet de maîtrise sanitaire du pôle petite enfance » et « un projet de formation des personnels » (TA Rennes, 15 décembre 2014, société Laboratoire Sanital). « Ces sous-critères sont assez éloignés de la fourniture même de produits d’entretien, relève maître Marie Le Dantec, avocat au cabinet Ares. Même s’il est usuel, pour ce type de marché, que les entreprises associent des prestations de service, reconnaît l’avocat. Outre leur lien distendu avec l’objet du marché, les sous-critères représentent une part importante de la valeur technique, alors que la qualité des produits n’est évaluée que sur 30 points. Le pouvoir adjudicateur accorde la moitié des points à des prestations qui ne donnent pas lieu à rémunération », observe Marie Le Dantec. « Le juge va assez loin dans l’appréciation du lien avec l’objet du marché. Faire l’analyse du caractère accessoire de la pondération, c’est limiter la liberté du pouvoir adjudicateur de choisir les critères et leur pondération comme il l’entend, estime maître Sophie Guillon-Coudray, avocat au cabinet Coudray. Dans son ordonnance, le magistrat considère que la pondération retenue est trop importante pour des prestations accessoires. Si on suit son raisonnement, il faudrait désormais que le poids des sous-critères soit proportionnel à l’importance financière de chacune des prestations. C’est compliqué à mettre en œuvre », remarque-t-elle.

Lésion : une irrégularité en lien avec l’illégalité commise

thumb_photo_marie_le_dantec.jpgMaître Le Dantec précise que  le juge s’est fondé sur le faible écart de notes entre les offres des entreprises afin d'apprécier la lésion de l’entreprise requérante. « L’offre de la société a été classée en seconde position avec un total de 14,82 sur 100 contre 15,06 pour l’attributaire. La requérante a fait une offre financière plus compétitive, alors que celle de l’attributaire est meilleure sur le plan de la valeur technique. La différence de 0,2 points a participé de l’analyse du juge. Le vice a affecté le classement des offres », justifie l’avocat. Pour sa défense, le pouvoir adjudicateur estime que l’offre de la requérante est irrégulière, faute pour elle d’avoir remis les études requises par les sous-critères en cause. Le magistrat balaie l’argument. Ces motifs [les études manquantes], « à les supposer même fondés, ne sont pas distincts du manquement commis par le pouvoir adjudicateur ».« Le juge refuse d’appliquer ici la jurisprudence Lloyds du Conseil d’Etat selon laquelle une offre irrégulière ne peut léser la société, dans l’hypothèse où l’irrégularité vient du manquement reproché et constaté par le juge », relève maître Guillon-Coudray. thumb_guillon_coudray2013_2.jpgSelon elle, le magistrat s’est livré à une interprétation a contrario de la décision de 2012 Clear Channel (CE, 12 mars 2012) aux termes de laquelle un candidat ne peut pas être lésé par un manquement dès lors que son offre est irrégulière pour un motif étranger à ce manquement. Ainsi, un candidat est susceptible d’être lésé si l’irrégularité est en lien avec ce qui est objectivement reproché au pouvoir adjudicateur par le juge administratif. « Le magistrat va plus loin que ce que dit le conseil d’Etat. La jurisprudence Lloyds est très sévère car elle permet de faire tomber d’un coup tous les moyens au seul motif que l’offre est irrégulière. Mais si l’irrégularité est en lien avec l’illégalité commise on ne peut pas appliquer cette jurisprudence au candidat évincé, observe l’avocat.

On ne peut pas empêcher un candidat de faire sanctionner un manquement au motif qu'il n'a pas respecté ce manquement

Autant la position du magistrat sur les sous-critères va au-delà des obligations du pouvoir adjudicateur, autant celle sur la lésion participe de la bonne administration de la justice, estime Maître Guillon-Coudray. On ne peut pas empêcher un candidat de faire sanctionner un manquement au motif qu'il n'a pas respecté ce manquement ».