Prouver que l’offre n’est pas anormalement basse

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Pour avoir une chance de montrer qu’un pouvoir adjudicateur a commis une erreur manifeste d’appréciation en rejetant une offre comme anormalement basse, une entreprise doit d’une part répondre à la demande de justifications en apportant des éléments satisfaisants. D’autre part, elle ne doit pas se borner à comparer le montant de son offre avec celui de l’offre retenue. Le CE vient de rappeler ces règles dans une décision récente.

Quelle que soit la procédure de passation mise en œuvre, lorsqu’il constate qu’une offre paraît anormalement basse, le pouvoir adjudicateur doit solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Ce n’est que si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes (pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché) que le pouvoir adjudicateur doit rejeter l’offre. Dans le cadre d’un marché à procédure adaptée pour des actions de formation professionnelle continue lancé par la région Réunion, un groupement d’entreprises dont le GIP FCIP est mandataire, a vu ses offres rejetées comme anormalement basses pour les lots 4, 5, 6, 7 et 8. Saisi, le juge du référé précontractuel a annulé la procédure au stade de l’analyse des offres. Selon lui, en écartant les offres pour les lots 6, 7 et 8 comme anormalement basses, la région Réunion a commis une erreur manifeste d’appréciation (EMA). En effet, pour le juge, « la circonstance que le groupement se soit abstenu de répondre à la demande de justification de la région ne pouvait être prise en compte en l'espèce. » De plus, « le prix de l’offre du groupement était supérieur à celui de l’offre de l’entreprise BFAOI, attributaire du marché. » Le Conseil d’Etat sanctionne cette analyse. « En se fondant, pour estimer que l'offre du groupement n'était pas anormalement basse, sur le seul écart de prix avec l'offre concurrente, alors au surplus qu'en l'absence de toute précision donnée par le groupement de nature à expliquer le prix proposé, il incombait à la région de rejeter son offre, le juge des référés a commis une erreur de droit », estime la haute juridiction dans une décision rendue fin mars.

OAB : ne pas se contenter du seul écart de prix avec un concurrent

Réglant l’affaire au titre de la procédure de référé, le CE rejette la requête du GIP FCIP. La société requérante soutient que la région a commis une EMA en retenant les offres de la société BFAOI. Les sages du Palais royal relèvent que la société requérante se borne à comparer le montant de l’offre de la société attributaire avec le montant de sa propre offre. Elle n’apporte aucune «  précision ou justification de nature à justifier que l'offre de l'entreprise BFAOI, qui au demeurant avait répondu à la demande de justification des prix de son offre que lui avait adressée la région eu égard à leur bas niveau, puisse être regardée comme manifestement sous-évaluée et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché. » De plus, pour la détection des OAB, la région s’est fondée sur une méthode de calcul préconisée par la charte pour la détection des offres anormalement basses [ndlr : la charte pour la détection des offres anormalement basses et le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse a été signée le 26 mars 2012 sous l'égide du Haut conseil de la commande publique]. Cette méthode lui a permis de révéler un écart manifestement important entre l'offre du requérant et la moyenne pondérée des offres valables reçues. Conformément aux dispositions des articles 53 de l’ordonnance et 60 du décret, elle a demandé au groupement et à deux entreprises « de justifier leur prix en apportant une décomposition détaillée de différents postes, ou tout autre élément permettant de justifier les prix et en indiquant s'ils disposaient de conditions exceptionnellement favorables pour exécuter le présent marché », observe le CE. Le GIP FCIP n’a pas répondu à la demande du pouvoir adjudicateur. Pour contester la décision de la région, il se contente d’indiquer que les lots 6, 7 et 8 ont été attribués à un candidat dont les prix étaient inférieurs de plus de 30 % aux prix présentés par lui. Pour le CE, se fonder sur le seul écart de prix avec l’offre concurrente, sans apporter des éléments de nature à justifier de manière satisfaisante le bas niveau du prix de sa propre offre, ne suffit pas. Il estime donc que la région n’a pas commis d’EMA en écartant l’offre du GIP comme anormalement basse.