Un contrat de subvention sous les feux d’une mise en concurrence

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Un contentieux sur l’organisation du carnaval de Nantes a été l'opportunité d'un débat sur la mise en concurrence des cocontractants des conventions de subvention. S’estimant lésée par la subvention attribuée par la cité des Ducs à une association afin de préparer cette manifestation, une entreprise spécialiste de l’événementiel a saisi la justice. Après avoir sous-entendu que le contrat était un marché public, elle a estimé qu’une procédure de passation devait être réalisée, même si l’acte litigieux était une convention.

La commune de Nantes a-t-elle déguisé un marché public en contrat de subvention à l’occasion de l’organisation du carnaval de la ville ? A défaut, cette convention, en tant que telle, devait-elle faire l’objet d’une mise en concurrence ? Ces problématiques sont ressorties lors du litige opposant la collectivité à la société Public Evènements. Dans un contexte où les titulaires de contrat administratif sont de plus en plus issus d’une procédure de passation, cette dernière question s’est donc posée pour ceux relevant de conventions de partenariat régies par la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. En l’espèce, la cité des Ducs avait apporté sa contribution financière à l’association Nemo afin qu’elle puisse préparer cet évènement pour les années 2013 à 2015. Les éditions précédentes étaient mises en œuvre par un autre organisme, qui a fait l’objet depuis d’une liquidation judiciaire. Une subvention de 254 000 euros a été attribuée par le conseil municipal à l’association et, dans la foulée, une convention a été conclue entre les deux protagonistes. Cet accord a été contesté par l’entreprise Public Evènements qui a saisi le juge du contrat. Débouté en première instance, elle a interjeté appel. Sans résultat. 

 

Initiative et mise en œuvre du projet par le bénéficiaire


La cour administrative d’appel (CAA) de Nantes, dans son arrêt du 22 décembre 2017, s’est concentrée en premier sur les moyens tendant à la requalification de l’acte litigieux en marché public. Elle a fondé son raisonnement en partant de la définition des marchés publics issu de l’article 1er de l’ancien code. Elle s’est attardé d’abord à rechercher la personne à l’origine de l’organisation du nouveau carnaval. Lors de l’instruction, les échanges entre la ville et le cocontractant et les propos des élus ont été épluchés. Au final, la personne publique ne serait pas à l’initiative du projet.

Il ne peut être déduit d’une activité, présentant un caractère d’intérêt général, l’existence d’une contrepartie directe

Ensuite, la juridiction s’est interrogée sur la satisfaction des besoins de la commune par le biais de ce contrat. Elle commence en soulignant qu’il ne peut être déduit d’une activité, présentant un caractère d’intérêt général, l’existence d’une contrepartie directe. Il ressort du document contesté, d’une part l’absence de fourniture de service par l’association à la commune et, d’autre part, aucun versement d’une somme n’est prévu en vue de répondre aux besoins touristiques et économiques de la collectivité. Enfin, le cocontractant dispose d’une autonomie dans l’organisation ; le contrat se contente de porter uniquement sur le suivi des activités subventionnées et de prévoir un contrôle financier. Ce projet étant initié, définis et mis en œuvre par l’organisme de droit privé bénéficiaire, la convention litigieuse est donc un contrat de subventionnement conformément à l’article 9-1 de loi du 12 avril 2000 (disposition insérée, a postériori à l’affaire, par la loi n°2014-856 du 31 juillet 2014).

 

Les contrats de subvention exclus des procédures de passation


Pour autant, ces contrats de subvention ne seraient-ils pas soumis à des mesures de publicité et de mise en concurrence ? La réponse de la CAA de Nantes est claire : aucune disposition législative ou réglementaire ne soumet la passation de ces conventions à une telle procédure. D’autant que « l’association Nemo exerce son activité dans un but non lucratif et que la convention n’a pas pour objet de confier à celle-ci une prestation de service individualisée en vue d’une exploitation économique », renchérit la juridiction. La société requérante persévère en objectant toujours l’absence de démarche d’ouverture. Cette fois-ci, la mise à disposition par la commune d’un local au profit de son cocontractant est dans sa ligne de mire. Elle assimile la convention à une autorisation comportant occupation du domaine public. Là encore, la CAA maintient sa réponse même si l’acte litigieux serait un titre d’occupation. A noter que l’ordonnance n°2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques, imposant dorénavant une passation, n’était pas en vigueur au moment de l’affaire.

Aucune disposition législative ou réglementaire ne soumet la passation de ces conventions à une telle procédure

Néanmoins, cette obligation est écartée par le texte lorsque l’occupation n’est pas utilisée en vue d’une exploitation économique (« Qu’est-ce qu’une activité économique ? Ce n’est pas si simple de répondre à cette question », prévenait Fabrice Strady dans un de nos article consacré à la ville de Royan à ce sujet, voir le lien en bas de page).
Dans une dernière tentative, la requérante invoque la méconnaissance de l’article 12 de la directive 2006/123 du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur : « lorsque le nombre d’autorisations disponibles pour une activité donnée est limité en raison de la rareté des ressources naturelles ou des capacités techniques utilisables, les États membres appliquent une procédure de sélection entre les candidats potentiels (…) ». Or, l’acte litigieux n’a pas pour objet de soumettre à autorisation une activité de service se trouvant dans une telle situation, certifie la juridiction du second degré. Par conséquent, la société Public Evènements, bien qu’étant un opérateur concurrentiel dans le domaine de l’évènementiel, ne peut être reconnue comme un candidat évincé car la procédure n’était pas soumise au règle de publicité ou de mise en concurrence. La requête est déclarée irrecevable.