La candidature d'une personne publique contestée

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Un établissement public de santé a obtenu un marché de prestation de traitement du linge pour un centre hospitalier. Une société évincée a contesté l’attribution, devant le juge du contrat, en soutenant la méconnaissance du principe de spécialité. Le contentieux est remonté jusqu’à la Cour administratif d’appel de Nancy. La juridiction, avant de s’intéresser sur les conditions pouvant amener une telle entité à exercer une activité étrangère à son statut, s’est d’abord penchée sur les limites fixées par le code de la santé publique.

La candidature d’un établissement public reste encore difficile à appréhender pour les acheteurs. Dernièrement, un centre hospitalier a vu sa procédure de passation être déclarée non conforme par la cour administrative d’appel (CAA) de Nancy. La juridiction a apporté des précisions sur le principe de spécialité, règle à laquelle ces candidats atypiques sont soumis. En l’espèce, le pouvoir adjudicateur a attribué son marché de traitement du linge auprès d’un autre organisme de santé. La société classée seconde lors de la mise en concurrence a saisi le juge du contrat en décembre 2014 pour être indemnisée, au titre du manque à gagner, en raison de son éviction dont elle estime être irrégulière. Le tribunal administratif (TA) de Strasbourg a rejeté sa requête, à la différence de la juridiction d’appel.

Candidature d’un établissement public admise pour une activité de blanchisserie

 
Pour mémoire, la liberté du commerce et de l’industrie ne fait pas obstacle à des établissements publics administratifs (EPA) de candidater à une passation. En revanche, leur participation reste encadrée. Primo, la concurrence ne doit pas être faussée. La personne publique ne peut utiliser un avantage, découlant des ressources ou des moyens attribués au titre de sa mission, pour déterminer son prix (CE, 8 novembre 2000, Jean-Louis Bernard Consultants, n° 222208). Dans la présente affaire, le TA s’est penché sur le compte financier de l’exercice 2013 du titulaire.

Les établissements publics ont la faculté d’exercer des tâches étrangères à leurs statuts, si elles constituent le complément normal de leur mission et sont directement utiles pour l’amélioration des conditions d’exercice de celle-ci

« Le prix de 114 560 euros TTC proposé par ce dernier pour assurer la prestation de service… a été déterminé en prenant en compte l’ensemble des coûts directs et indirects concourant à sa formation sans que cet établissement ait bénéficié pour le déterminer [de cet] avantage », a constaté la juridiction. Deuzio, les établissements publics ont un champ d’action limité à celui circonscrit par le périmètre de ses compétences, c’est le principe de spécialité. Néanmoins, ils ont la faculté d’exercer des tâches étrangères à leurs statuts, si elles : « constituent le complément normal de leur mission et sont directement utiles pour l’amélioration des conditions d’exercice de celle-ci » (CE, 29 décembre 1999, Société consortium français de localisation, n° 185970). Conformément au code de la santé publique, la réalisation d’un service de traitement du linge rentre dans le champ des activités envisageables pour des organismes de santé.  

L’activité de blanchisserie exercée à titre subsidiaire


Toutefois, le corpus précité apporte des restrictions. Les prestations ne peuvent être exécutées par un centre hospitalier « à condition qu’elles conservent un caractère subsidiaire par rapport à l'exercice de leur [objet statutaire] et qu'en particulier elles s'exercent à moyens constants » affirme la CAA de Nancy en se fondant sur les articles L. 6141-1 et R. 6145-48 du code de la santé publique. Or, le TA s’est concentré uniquement si les exigences issues de la jurisprudence Société consortium français de localisation étaient réunies. Les juges du second degré ont alors constaté le fait suivant : le coût de transport de l’activité blanchisserie du cocontractant était exclusivement lié à la réalisation de cette prestation pour le compte de clients extérieurs nécessitant ainsi des moyens supplémentaires. Par conséquent, le principe de spécialité a été méconnu, a déclaré la juridiction. L’ouverture offerte aux établissements publics, par la décision des sages du Palais Royal du 29 décembre 1999, ne doit donc pas porter atteinte à l’objet de la mission statutaire. Le jugement a été annulé.
La juridiction du second degré a reconnu, pour la requérante, la perte de chance sérieuse. La société estime son préjudice à 26 332 euros, assortie des intérêts légaux à compter du rejet de sa réclamation préalable indemnitaire. Pour fixer le montant de l’indemnisation, la CAA a fait référence à l’arrêt Commune de la Rochelle (CE, 8 février 2010, n°314075) : « ce manque à gagner doit être déterminé non en fonction du taux de marge nette sur les coûts variables mais en fonction du bénéfice net que lui aurait procuré le marché si elle l'avait obtenu ». Résultat ? La somme accordée s’est élevée à 2 925 euros.