Une collectivité a réparé le préjudice d’un commerçant causé par des travaux sur la voie publique

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Un maître d’ouvrage s’est vu assigner en justice par un commerçant situé à proximité du chantier. Motif ? Les travaux de réhabilitation entrepris lui ont causé un préjudice économique. La personne publique a été condamnée. Elle a alors tenté de se pourvoir en cassation. Si cette situation n’est pas en soi exceptionnelle, ce contentieux a été l’occasion de rappeler le régime juridique en la matière.

Le département du Vaucluse a été condamné, par les juges du fond, à dédommager un commerçant en raison du préjudice économique subi du fait de travaux réhabilitation de la gare d’Avignon. La collectivité a tenté de porter l’affaire devant le Conseil d’Etat. Cette affaire n’est pas exceptionnelle. « Il est fréquent que des travaux de voirie engendrent un préjudice commercial direct ou indirect pour les commerçants et artisans » reconnaissait en 2010 le ministère chargé de ce secteur en réponse à une question parlementaire (13ème législature n°90829). Sur le plan juridique, il n’y a pas non plus de révolution. Mais ce contentieux permet de rappeler aux acheteurs qu’une opération d’une telle envergure sur la voie publique peut engendrer, au-delà des mécontentements, ces coûts annexes. En l’espèce le département a réalisé, dès septembre 2013 et pour le compte de la commune d’Avignon, lesdits travaux dans le cadre d’une maîtrise d’ouvrage déléguée. Le chantier a duré huit mois. Un établissement de restauration rapide, installé au rez-de-chaussée de la gare, a saisi le tribunal administratif (TA) de Nîmes sur le motif précité. Cependant, l’indemnisation fixée à 3 500 euros était en dessous des attentes du requérant, chiffrées à plus de 69 000 euros. Il a interjeté appel. La Cour administrative d’appel (CAA) de Marseille s’est montrée plus compréhensive. Elle a redressé le montant à 24 245 euros, sous déduction de la provision déjà consentie. En effet, le commerçant avait, dans la foulée, fait un référé provision et avait obtenu 3 500 euros. 

Application du régime de la responsabilité sans faute


Lorsqu’une personne, tierce par rapport à un ouvrage public ou une opération de travaux publics, est victime de dommage résultant de travaux publics, elle peut prétendre à une indemnisation sur le terrain de la responsabilité sans faute. Les juridictions du premier et du second degré se sont fondées sur le principe classique en la matière

La mise en jeu de [cette] responsabilité…  est subordonnée à la démonstration par cet administré de l'existence d'un dommage anormal et spécial

: « La mise en jeu de [cette] responsabilité…  est subordonnée à la démonstration par cet administré de l'existence d'un dommage anormal et spécial directement en lien avec cet ouvrage ou cette opération ». Le requérant n’est pas contraint de démontrer qu’une négligence ou un manquement de la personne publique seraient à l’origine du préjudice.

Le constat d’huissier réalisé, à la demande du requérant, a conclu à l’impossibilité d’une exploitation du commerce. Primo, les émissions de poussières et les nuisances sonores s’avéraient incompatibles avec une activité de restauration. La collectivité a essayé de minimiser l’impact en invoquant le fait que les désagréments n’excédaient pas ceux devant « normalement être supporté par les riverains des voies publiques ». Deuzio, l’accès au commerce était à la fois encombré par des matériaux de construction et des gravats, et le passage servait pour les manœuvres des engins de travaux publics. Enfin, la société était dissimulée à la vue par des hautes palissades métalliques de chantier et son enseigne commerciale était cachée par une bâche. Par ailleurs, la CAA a reproché également la passivité de la collectivité : « Si la gêne occasionnée par les travaux au commerce… a pu être d’intensité variable…, le département du Vaucluse ne justifie ni avoir mis en œuvre des mesures de compensation particulière des effets du chantier sur l’exploitation du fonds de commerce ni du déplacement de son emprise au cours de cette période ».

Réparation intégrale du préjudice commercial


Selon la personne publique, il n’existerait pas de lien de causalité entre les travaux publics et l’interruption de l’activité. La juridiction d’appel s’est alors intéressée au chiffre d’affaire. Verdict ? L’exercice clos du 31 mars 2013 présentait un résultat net en progression, contrairement à celui de l’année suivante où il était déficitaire. Par conséquent, les retombées de l’opération ont « excédé les sujétions normales susceptibles d’être imposé aux riverains » a déclaré la CAA. Le requérant n’a donc pas eu de difficulté à faire constater un dommage anormal et spécial. Les juges ont admis, de facto, une réparation intégrale du préjudice commercial.

La société devait être : « replacée dans la situation qui aurait été la sienne si la diminution de son activité ne s’était pas produite »

La société devait être « replacée dans la situation qui aurait été la sienne si la diminution de son activité ne s’était pas produite ». Cela signifie qu’ « il convient de lui accorder une indemnité correspondant aux pertes de recettes qu’elle a subies, diminuées des charges qu’elle n’a pas eu à exposer et augmentées, le cas échéant, des charges supplémentaires provoquées par la baisse ou l’interruption de son activité ; que l’octroi d’une indemnité ainsi déterminée assure la réparation du préjudice résultant de l’impossibilité de couvrir les charges fixes par des recettes d’exploitation et, le cas échéant, du préjudice résultant d’une perte de bénéfice » a conclu la juridiction d’appel. Les chances du département de voir cet arrêt annulé par le Conseil d’Etat sont infimes. Au vu de l’audience, il est peu probable que son pourvoi soit admis.