Référé précontractuel : comment faire ?

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Le référé précontractuel constitue une des actions les plus efficaces offertes aux concurrents évincés des contrats de la commande publique. Quelles sont donc les règles de forme et de fond applicables à cette procédure contentieuse ?

A quel moment peut-on introduire le référé précontractuel ?

Le champ temporel du référé précontractuel se trouve encadré par deux limites, la première consistant dans le premier acte de la procédure de publicité et de mise en concurrence (généralement la publication de l’avis de publicité), la seconde dans son dernier acte, matérialisé par la signature du contrat par la personne publique. Cette signature emporte extinction de la possibilité d’introduire un référé précontractuel.

Que faire si la personne publique signe le marché ?

Dans tous les cas, la signature du marché (sauf hypothèse rare d’inexistence) empêche le juge des référés précontractuels de statuer. Il convient alors d’utiliser d’autre recours, comme le recours Tropic visant à obtenir l’annulation du contrat ou le référé contractuel, en particulier lorsque le contrat a été signé en violation des délais de standstill éventuellement applicables. La personne publique doit respecter un délai (11 ou 16 jours en matière d’appel d’offres) entre la date d'envoi du courrier de rejet et la signature du marché. Ce délai n'est pas obligatoire pour les marchés passés en procédure adaptée.

Quelle forme doit prendre la requête ?

Matériellement, la requête doit comprendre les motifs de fait (les circonstances de l’espèce) et de droit (les moyens juridiques démontrant l’existence d’un vice) justifiant la demande du concurrent évincé. La requête doit également comprendre des conclusions explicites c’est-à-dire des conclusions tendant, en principe, à l’annulation totale ou partielle de la procédure contestée (ou à la prescription des mesures nécessaires pour régulariser les vices identifiés). La requête doit être également accompagnée d’un timbre fiscal à 35 euros.

Où adresser sa requête ? quel tribunal ?

La requête doit être adressée – dans l’idéal par télécopie doublée d’un courrier – au greffe du tribunal administratif territorialement compétent, c’est-à-dire celui du siège de l’acheteur public. En principe, ce dernier aura pris le soin, dans son avis de publicité, de préciser la juridiction compétente. Il convient également, pour s’assurer de l’interruption des délais de signature des contrats, d’adresser copie du recours à la collectivité attaquée.

Le ministère d’avocat est-il obligatoire ?

Le ministère d’avocat n’est pas obligatoire mais est toutefois conseillé dans l’hypothèse où le requérant ne dispose pas de compétences juridiques avérées dans la matière objet du contentieux. Le recours à un avocat peut se faire en cours de procédure.

Quels sont les moyens possibles ?

Le juge des référés n’étant juge que de la procédure de passation suivie, seuls les moyens afférents à la violation des obligations de publicité et de mise en concurrence sont invocables. Concrètement, peuvent donc être discutés devant le juge des référés les moyens tenant, par exemple, à l’insuffisance des procédures de publicité mises en œuvre (absence de publicité communautaire pour un appel d’offres), à la régularité de la composition des commissions intervenant dans le processus de choix (présence de membres en surnombre ou intéressés), à la violation du principe d’égalité dans la mise en œuvre des éventuelles négociations (absence de négociation similaire entre les candidats admis à la discussion) ou encore aux modalités d’information et d’application des critères de choix (absence d’affichage dans le DCE des sous-critères de sélection). Compte tenu de la nécessité de démontrer désormais l’existence d’une lésion, ce dernier moyen constitue le plus souvent un argument généralement central de tout référé précontractuel.

Comment se passe l’instruction du dossier ? Que faire quand il y a un mémoire en défense ? Peut-on ajouter de nouveaux moyens en cours d’instruction ?

L’introduction d’un référé implique, de fait, un échange entre les parties qui vont assurer, elles-mêmes et par l’intermédiaire du greffe du tribunal, la communication des pièces et écritures. A la requête introductive va donc répondre un mémoire en défense de la part de la personne publique, lequel pourra ensuite donner lieu à une réplique de la part des diverses parties. L’échange d’écritures peut intervenir jusqu’au jour de l’audience, et même postérieurement via la production d’une note en délibéré permettant de revenir sur tel ou tel point abordé pendant l’audience. La production d’écritures jusqu’au jour de l’audience peut éventuellement s’accompagner de nouveaux moyens.

Comment se déroule l’audience ?

Le magistrat, après avoir fait un rappel sommaire du dossier et des écritures, laisse la parole à l’avocat du requérant ou, à défaut, au représentant de la société. Ces derniers présentent alors leurs observations orales, auxquelles pourront ensuite répliquer l’acheteur public et l’éventuel attributaire pressenti. Matériellement, l’audience peut donc être très rapide, notamment dans l’hypothèse où le magistrat souhaite se borner à recueillir quelques observations ou précisions, soit très longue dans le cas où le magistrat laisse les parties exposer l’intégralité de leurs arguments.

Dans quel délai la décision est rendue ?

Les décisions sont généralement rendues dans les jours qui suivent l’audience et dans les 20 jours de l’introduction de la requête.

Quels sont les voies de recours contre l’ordonnance ?

Seul un pourvoi devant le Conseil d'Etat peut être engagé à l’encontre de la décision rendue par le juge des référés. En pratique, le pourvoi est toutefois généralement l’œuvre de la personne publique. En effet, si le candidat évincé peut évidemment lui-même intenter un recours contre l’ordonnance, ce recours deviendra irrecevable dès lors que l’administration signera le contrat considéré, ce qu’elle pourra faire dès notification de la décision. Si l'entreprise souhaite faire un tel recours, il faudra alors qu'il se rapproche d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. il aura, à compter de la notification de l'ordonnance, 15 jours pour saisir la juridiction.