Edito 609

  • 21/10/2016
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Mardi soir, j’allume ma télé et je m’installe confortablement dans mon canapé douillet  parce que Cash Investigation a programmé un reportage sur un sujet qui m’intéresse bigrement. Pour une fois que la petite lucarne s’intéresse à la thématique de l’achat public à une heure de grande écoute... A vrai dire, je crains le pire, vu le titre « les marchés publics, le grand dérapage » et les annonces faites dans la presse. La potence est déjà installée, la corde de chanvre fin prête. Comme l’odeur du sang attire toujours les foules, la gabegie de l’argent public, ça va faire de l’audience, c’est garanti sur facture. Ça ne loupe pas : la mise en scène lourdingue de l’émission, avec une Marianne énamourée devant un bellâtre « Super Privé » et prête à lui offrir ses bijoux de famille les yeux fermés, donne le ton. L’approche est primaire, mais les primaires, c’est d’actu en ce moment. En fait de marchés publics, on parle surtout des PPP - que mes confrères de l’audiovisuel découvrent douze ans après leur création - et du stade de Nice. Naturellement, on ne fait pas dans la dentelle. Le reportage fustige l’insoutenable légèreté du pouvoir adjudicateur, et laisse entendre qu’une supposée omerta couvre toutes ces balourdises lourdes de conséquences pour le contribuable. Elise Lucet semble étonnée que le secret commercial puisse concerner des contrats publics ( !) et brandit à tout bout de champ les conclusions de la CRC. En parlant de rapport des magistrats financiers, les reporters ont raté le coche : ils auraient dû s’employer à dénicher celui de la rue Cambon consacré aux achats de France Télévisions passés sans mise en concurrence. Selon les fuites publiées par le Canard Enchaîné, cela concerne près de 569 millions d’euros entre 2012 et 2014. Après le ministère de la Défense étrillé pour ses accointances avec Microsoft, c’est Pôle Emploi qui se fait proprement dézinguer sur la qualité des prestataires choisis pour recaser certains chômeurs. Paradoxe, il s'agit d'un marché très exigeant en matière de contrôle qualité. Trois contrats pour refléter la commande publique alors que près de 15 000 AAPC ont été publiés depuis le début de l’année… Rien sur les contraintes du métier, le cadre réglementaire, la professionnalisation, la création de structures achats dans les hôpitaux et à l’Etat, ou les économies réalisées. Le clou du spectacle, ce sont les petites phrases en fin d’émission sur la corruption et le délit de favoritisme. Le lendemain, les praticiens ont dû raser les murs : « Ne dites pas à ma mère que je suis acheteur public, elle me croit d’une probité sans nom ». Pour résumer, c’était  surtout « Macache Investigation ». A la semaine prochaine, peut-être.

Jean-Marc Binot