Exécution : ce n’est pas le même prix

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Fixé lors de la passation, le prix peut quand même évoluer tout au long de la vie du contrat. A l’acheteur de réfléchir aux différentes clauses capables d’atténuer d’éventuelles montagnes russes, ou de générer des remises capables de mettre un peu de beurre dans les épinards.

Savoir faire vivre un contrat, tout en garantissant l’équilibre économique initial et en ne perdant jamais de vue la maîtrise de son budget : la quadrature du cercle pour un acheteur public. Aux dernières journées de l’achat hospitalier de Montrouge, Samira Boussetta, responsable des affaires juridiques du RESAH, a donné plusieurs pistes à explorer si l'on veut s'approcher du Graal. Première voie : encadrer les variations du prix. Inscrit dans l’article 18,  son intangibilité est un principe de base puisqu’un marché est conclu à « prix définitif », sauf cas exceptionnels listés dans l’article 19 (l’exécution doit débuter alors même que la détermination d’un prix définitif n’est pas possible, attente des résultats d’une enquête de coût de revient, partenariat d’innovation…). Ce prix peut être ferme, toutefois actualisable dans certaines situations, par exemple lorsqu’un délai supérieur à trois mois s’écoule entre la date du dépôt de l’offre et le début du marché ; ou alors révisable, en fonction d’un barème, d’un indice ou d’une référence, d’une formule mathématique intégrant les différents coûts qui entrent dans la décomposition des prix (carburant, masse salariale…), ou d’un mix des deux premières solutions (article 18-IV du CMP).

Le but, c’est d’éviter d’avoir trop de vagues

Même si elle n’est obligatoire que dans des circonstances particulières, là encore définies par le Code, la clause de révision est préconisée par Samira Boussetta dès que la durée du marché dépasse un an, « car les conditions économiques deviennent sujettes à modifications ». En effet, si la situation devient intenable, l’acheteur devra résilier et relancer une nouvelle procédure - autant dire plusieurs mois de travail – puisqu’il demeure impossible de modifier un prix par avenant. Prévoir une révision des prix est donc une sage précaution, à condition d’encadrer ses effets. « Le but, c’est d’éviter d’avoir trop de vagues, de les contenir pour ne pas se retrouver dans une impasse. » 

Faire évoluer le prix, mais pas trop


Comment alors atténuer les effets d’une révision ? Trois possibilités s’offrent au pouvoir adjudicateur. Il peut introduire une partie fixe dans la formule mathématique. Et également ajouter une clause de partage des risques. Autrement dit, l’acheteur a le loisir d’écrire, par exemple, que l’augmentation obtenue grâce à une formule prédéterminée sera divisée par deux. Samira Boussetta reconnaît que ce dispositif peut indisposer les soumissionnaires. « Le risque pour l’acheteur, c’est d’aboutir à un surenchérissement de l’offre déposée par les candidats », admet-elle. Enfin, il peut aussi actionner un seuil de déclenchement. Le donneur d’ordres n’appliquera la révision que si le prix évolue de plus de x % par rapport au prix du marché, à la hausse ou à la baisse. L’acheteur peut aussi prévoir un dispositif de « double absorption ». La formule n’entre en vigueur que si l’augmentation dépasse le seuil prévu, mais il est déduit du nouveau prix un pourcentage. Si l’acheteur est libre des modalités de la clause, il a tout intérêt à tâter le terrain auprès des entreprises, notamment pour avoir une idée des seuils ou des pourcentages acceptables.

On ne fait pas sa clause de révision du prix dans son coin. Il faut travailler avant le lancement du marché avec les fournisseurs pour estimer sa pertinence.

« On ne fait pas sa clause de révision du prix dans son coin. Il faut travailler avant le lancement du marché avec les fournisseurs pour estimer sa pertinence. On peut partir avec un prix ferme de deux ans, plus la possibilité de réviser pour les deux ans à suivre. Le Code ne l’interdit pas », illustre la responsable juridique du RESAH,  « mais quel signal j’envoie aux fournisseurs ? Cette clause va-t-elle correspondre à leurs contraintes ? »


Mieux commander, ça vaut une remise


Ces clauses ne sont pas le seul instrument disponible dans la boîte à outils. L’acheteur a aussi tout intérêt à autoriser la révision du BPU en cours d’exécution, pour intégrer les évolutions technologiques, en cas de possible disparition de références ou d’obsolescence du matériel. Samira Boussetta suggère d’insérer des clauses permettant de bénéficier d’un nouveau produit aux conditions tarifaires des produits prévus, ou en tout cas au prix le proche du marché initial. Elle insiste aussi sur les vertus d’un meilleur pilotage des quantités demandées. « La manière dont je commande impacte la politique des stocks du fournisseur ».

La manière dont je commande impacte la politique des stocks du fournisseur

Obtenir un prix dégressif en fonction du volume est possible à condition de le formaliser dans le contrat. Mais selon elle, la ristourne lors d’un dépassement de seuil de commande est plus intéressante. L’optimisation des coûts d’approvisionnement est une façon de mettre du beurre dans les épinards. Là encore, il s’agit de discuter avec les opérateurs économiques et d’identifier des actions susceptibles de réduire leurs frais (coût ressources humaines, coût de stockage, coût de transport) comme la fixation de quantités et d’une périodicité.  « Si j’y parviens, je veux un retour parce que l’entreprise va améliorer sa marge et je peux demander une remise. C’est une autre relations avec le fournisseur ». Dernier moyen d’obtenir de meilleurs prix : l’offre promotionnelle. A condition de figurer dans le contrat, elle autorise le fournisseur à effectuer une baisse de prix sans avenant. Pourquoi s’en priver ?