L’indemnisation du titulaire en cas de résiliation anticipée

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Dans une décision récente, le Conseil d’Etat a jugé qu’en cas de contentieux indemnitaire, si la question de la licéité d’une clause de résiliation anticipée est soulevée, l’entreprise doit demander au juge la condamnation de la personne publique à l'indemniser du préjudice. A défaut, le juge ne pourra pas se prononcer sur cette demande.

Le tribunal de grande instance de Marseille a conclu avec la société Leasecom un contrat pour la location de 15 photocopieurs. Le contrat prévoyait que le titulaire, en cas de résiliation anticipée, aurait droit à une indemnité égale à tous les loyers dus et à échoir jusqu'au terme de la durée initiale de location majorée de 10 %.  En juin 2005, le greffe du TGI a informé la société de sa décision de résilier le marché à compter du 31 décembre 2005. Saisi, le tribunal administratif a condamné le TGI à verser à la société 40 866,33 € au tire de l’indemnité contractuelle de résiliation. En appel, la cour administrative de Marseille a annulé le jugement et rejeté la demande de la société. Par une décision du 5 novembre 2014, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt. Par une seconde décision rendue en juin 2015, la CAA a annulé le jugement et rejeté la demande de la société. La cour a jugé « qu'une telle indemnité, d'un montant supérieur au loyer que le TGI aurait continué à verser en exécution du contrat si celui-ci n'avait pas été résilié, était manifestement disproportionnée au regard du préjudice résultant, pour la société Leasecom, des dépenses qu’elle avait exposées et du gain dont elle avait été privée. » le Conseil d’Etat, saisi une nouvelle fois, rejette le pourvoi de la société Leasecom.

Indemnisation en cas de résiliation anticipée

Il résulte des règles générales applicables aux contrats administratifs que la personne publique peut résilier unilatéralement pour un motif d’intérêt général. Dans ce cas, le titulaire a droit à une indemnité. Dans sa décision, la haute juridiction rappelle que « l’étendue et les modalités de cette indemnisation peuvent être déterminées par les stipulations contractuelles. »

L’étendue et les modalités de cette indemnisation peuvent être déterminées par les stipulations contractuelles

Toutefois, « l'interdiction faite aux personnes publiques de consentir des libéralités fait toutefois obstacle à ce que ces stipulations prévoient une indemnité de résiliation qui serait, au détriment de la personne publique, manifestement disproportionnée au montant du préjudice subi par le cocontractant du fait de cette résiliation. » Pour considérer que l’indemnité en cause est manifestement disproportionnée par rapport au préjudice résultant de dépenses exposées et du gain dont elle a été privée, la cour relève que la société ne justifie pas de charges particulières ou de l'impossibilité de vendre ou de louer ce matériel. Ce faisant, les sages du Palais royal considèrent que la CAA n’a pas commis d’erreur de droit.

Demander au juge la condamnation de l’administration

La société reproche à la cour de s’être contentée de régler la demande. Alors que, selon elle, il lui appartient au juge de fixer le montant de l’indemnité. Dans le cadre d’un litige indemnitaire, une partie ou le juge peut soulever l’illicéité de la clause d’indemnisation. Dans ce cas, le cocontractant doit demander au juge la condamnation de la personne publique à l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la résiliation du contrat pour un motif d’intérêt général. « Dans l'hypothèse où le juge inviterait les parties à présenter leurs observations, en application de l'article R. 611-7 du CJA, sur le moyen soulevé d'office et tiré de l'illicéité de la clause d'indemnisation du contrat, le cocontractant de la personne publique peut, dans ses observations en réponse soumises au contradictoire, fonder sa demande de réparation sur ces règles générales applicables aux contrats administratifs », précise le CE. En l’espèce, la société s’est contentée de faire valoir la clause de résiliation. Bien qu’informée par la CAA de la possibilité de fonder l’arrêt sur le moyen relevé d’office relatif à l’illicéité de la clause, l’entreprise n’a pas présentée de demande tendant à l’indemnisation des conséquences de la résiliation anticipée du contrat. Dès lors, pour le CE, la cour n’avait donc pas à se prononcer sur ce point.