Sous-traitant : quel contrôle de la part du maître d’ouvrage ?

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Le maitre d’ouvrage peut-il contrôler la conformité des prestations réalisées par un sous-traitant ? Le rapporteur public, Olivier Henrard, a proposé au conseil d’Etat de répondre par l’affirmative. Le maître d’ouvrage peut donc rejeter une demande de paiement direct si les prestations réalisées ne sont pas conformes aux stipulations du CCTP.

Le Conseil d’Etat va être amené à préciser la portée du contrôle du maître d’ouvrage sur les prestations réalisées par un sous-traitant. En l’espèce, par acte spécial signé en février 2008, la commune de Montereau-Fault-Yonne a agréé, à hauteur de 77 033, 07 euros TTC, les conditions de paiement de la société Keller Fondations Spéciales, sous-traitante pour le lot " fondations " de la société Everwood, titulaire d'un marché pour objet la construction d'un village associatif en modules préfabriqués sur plancher béton. La société Everwood n'ayant pas répondu dans le délai de quinze jours à sa demande de paiement adressée après exécution des fondations, la société Keller Fondations Spéciales a sollicité, au mois de juin, de la commune le paiement direct de ses prestations en application de l'article 116 du code des marchés publics. Suite au refus de cette dernière, le sous-traitant a saisi le juge administratif. Le TA de Melun a fait droit à sa demande et condamné la ville à lui verser, en paiement de ses prestations, une somme de 77 032,95 euros. En appel, la cour administrative a inversé la vapeur. Selon elle, les travaux réalisés par la société Keller Fondations Spéciales ne respectaient pas les stipulations du cahier des clauses techniques particulières du marché. Dès lors, juge la cour, « la commune était fondée à refuser de procéder au paiement de la somme de 77 032,95 euros TTC sollicitée par la société Keller Fondations Spéciales dans le cadre de son droit au paiement direct. » La société sous-traitante soutient, à l’appui de son pourvoi en cassation, que les juges d’appel ont commis une erreur de droit en estimant « que les procédures instituées par les dispositions de la loi du 31 décembre 1975 et du code des marchés publics ne font pas obstacle au contrôle par le maître de l'ouvrage du montant de la créance du sous-traitant, compte tenu des travaux qu'il a exécutés et des prix stipulés par le marché ; que ce contrôle doit notamment porter sur le contenu des travaux réalisés au regard des stipulations de ce marché. »

Un contrôle de la conformité

Quel contrôle le maître d’ouvrage peut-il exercer sur les travaux réalisés par un sous-traitant au regard des stipulations du marché ?  « Par une décision rendue en 2000 (CE, 28 avril 2000, société Peinture Normandie), le CE a jugé que dans l'hypothèse d'une rémunération directe du sous-traitant par le maître d'ouvrage, les procédures instituées par les dispositions de l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975 et de l'article 359 ter du code des marchés publics ne font pas obstacle au contrôle par le maître d'ouvrage du montant de la créance du sous-traitant, compte tenu des travaux qu'il a exécutés et des prix stipulés par le marché », rappelle le rapporteur public, Olivier Henrard. « Il nous semble que vous vous en êtes tenu à un contrôle de la réalisation effective des prestations », ajoute-t-il. En janvier 2017 (société Baudin Châteauneuf Dervaux), la haute juridiction a clairement admis que « dans l'hypothèse d'une rémunération directe du sous-traitant par le maître d'ouvrage, ce dernier peut contrôler l'exécution effective des travaux sous-traités et le montant de la créance du sous-traitant. » « Cela inclut-il la conformité au marché ? », s’interroge Olivier Henrard.

Il ne s’agit pas de contrôler la qualité de l’exécution mais seulement la conformité par rapport aux prescriptions du marché

La loi de 1975 sur la sous-traitance est destinée à combattre le risque économique en cas de difficulté de l’entreprise. Mais cela ne doit pas dessaisir le maître d’ouvrage de son pouvoir de contrôle de la conformité des prestations. « Aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit un tel contrôle mais rien ne l’exclut », observe Olivier Henrard. L’absence de contrôle pourrait, selon lui, ouvrir la porte à des ententes frauduleuses. Vérifier la conformité emporte contrôle de la concordance avec les stipulations contractuelles. « Il ne s’agit pas de contrôler la qualité de l’exécution mais seulement la conformité par rapport aux prescriptions du marché. Le maître d’ouvrage ne s’immisce pas dans la relation entreprise/sous-traitant mais un contrôle de la conformité des prestations issues de cette relation dans le cadre de l’acte spécial », explique le rapporteur public. Il estime donc que la CAA n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que « la commune pouvait vérifier que les travaux réalisés par la société Keller Fondations Spéciales étaient conformes aux stipulations du marché ». Au CE de trancher.