Une méthode de notation rend illégale la procédure de passation

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Les pouvoirs adjudicateurs sont libres de choisir la méthode de notation qu’ils souhaitent. Ils sont même libres de l’annoncer aux candidats ou non. Ils doivent néanmoins veiller à ce que les grands principes de la commande publique, et en particulier l’égalité de traitement des candidats, soient respectés. En ce sens, de nombreuses jurisprudences sont venues sanctionner certaines méthodes, comme ce fut le cas récemment par un tribunal administratif.

La commune de Montauban, dans le cadre d’un appel d’offre, avait décidé de retenir classiquement deux critères de sélection : la valeur technique (60%) et le prix (40%). Mais, plus inhabituel, elle avait divisé ce dernier en deux sous-critères : l’offre elle-même et le taux de rabais sur les articles contenus dans le catalogue de chaque candidat, chacun étant assortis d’un taux de pondération de 20%. Résultat : un candidat a produit un catalogue faisant apparaître des articles avec un tarif de base majorée de 42,5%, en vue de proposer un taux de remise important et justifiant la meilleure note, mais qui, par nature, ne reflète pas nécessairement la meilleure offre. La procédure de passation a donc été annulée par le juge des référés « qui confirme ainsi la jurisprudence du Conseil d’Etat », analyse Me Emeric Morice, avocat-associé au cabinet Symchowicz Weissberg avocats associés.

La méthode de notation dénature le critère prix

En 2014, le Conseil d’Etat posait le principe selon lequel « le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu’il a définis et rendus publics »,

logiquement, l’entreprise qui présente l’offre la plus basse, doit avoir la meilleure note

sauf si les méthodes de notation « sont par elles-mêmes de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l’ensemble des critères pondérés, à ce que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie » (CE, 3 novembre 2014, Commune de Belleville-sur-Loire). S'agissant de l'affaire montabalnaise, « c’est un bon exemple de ce qu’il ne faut pas faire », estime Me Laurent Amon, avocat associé au cabinet cabinet Vincent Segurel. Pour lui, « la pondération donnée au sous-critère du taux de remise est tellement importante que cela a eu pour effet de gommer l’avantage que pouvait détenir la société requérante, car son offre était moins chère ». Et comme le note Me Morice, « logiquement, l’entreprise qui présente l’offre la plus basse doit avoir la meilleure note ». D’ailleurs, la jurisprudence interdit de ne pas attribuer la meilleure note au candidat ayant proposé le prix le plus bas et la moins bonne note au candidat dont l’offre de prix est la plus chère (CE 2013, Val d’Oise Habitat).

La méthode de notation remise en cause

« Juger un taux de remise sans tenir compte du prix de base, ça n’a aucune pertinence. La preuve en est : grâce à cette méthode, le candidat attributaire a pu mettre en œuvre une manœuvre afin d’obtenir la meilleure note »,

Dans l’idéal , il conviendrait de prédéterminer de manière exhaustive l’ensemble des fournitures au sein d’un bordereau de prix, tout au plus, en renvoyant à la marge et selon des modalités précises au catalogue fournisseurs pour certaines fournitures non visées dans le bordereau

poursuit Me Amon. C’est donc bien le mauvais choix de méthode de notation de la part de la collectivité qui rend illégale la procédure de passation. Et, « si vraiment elle voulait juger le taux de remise, elle aurait dû choisir une pondération extrêmement faible », explique-t-il. De son côté, Me Morice conseille « de prendre en compte, tout au plus, le montant de rabais (et non son taux) au regard d’une commande type ou d’un BPU ». Et pour ce dernier, « la décision illustre une nouvelle fois que l’intégration des prix « catalogue » pour répondre aux besoins de l’acheteur public n’est pas chose aisée. Dans l’idéal , il conviendrait de prédéterminer de manière exhaustive l’ensemble des fournitures au sein d’un bordereau de prix, tout au plus, en renvoyant à la marge et selon des modalités précises au catalogue fournisseurs pour certaines fournitures non visées dans le bordereau ». Ainsi, les pouvoirs adjudicateurs ont tout intérêt à bien définir leurs besoins et adapter leur méthode de notation, et ce même s’ils ne l’affichent pas, afin d’éviter l’annulation de toute la procédure.