Les éléments d’appréciation et leurs pondérations doivent-ils être mentionnés dans le RC ?

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C’est toujours la même rengaine et pourtant la réponse n’est pas évidente : les éléments d’appréciations ainsi que leurs pondérations doivent-ils être mentionnés dans le règlement de la consultation ? Le Conseil d’Etat a répondu, au vu du contentieux qui lui était présenté, par la négative alors que l’ordonnance du juge du référé précontractuel aller dans le sens contraire.

Il n’est pas aisé de trouver l’équilibre entre l’obligation d’informer les candidats sur les conditions de leur sélection et la liberté laissée au pouvoir adjudicateur d’apprécier les mérites des offres. Un nouveau contentieux l’a encore illustré, mettant en lumière les divergences entre les juridictions. Le pouvoir adjudicateur devait-il porter à la connaissance des opérateurs les éléments servant à évaluer un sous-critère ainsi que leur poids dans la notation ? En l’espèce, le ministère de la Défense avait lancé une procédure d’appel d’offres ouvert (soumise au décret n°2016-360 du 25 mars 2016) portant sur la création et la maintenance d’un système de gestion numérique. Deux sociétés avaient répondu. La candidate évincée avait déposé une requête en référé en vue d’annuler la passation. Le tribunal administratif (TA) de Paris y avait répondu favorablement. L’acheteur s’était donc pourvu en cassation. Le point litigieux, qui nous intéresse, a porté sur le sous-critère « de la présentation de la solution » où l’acheteur a tenus compte pour l’évaluer, sans le mentionner dans la consultation ou l’avis de publicité, d’une première présentation « hors robustesse » et d’une seconde « avec robustesse ». A noter qu’il représentait 30% de la notation de la valeur technique, pondérée elle-même à 70% de la note totale. 

Obligation d’informer les candidats d’un sous-critère en cas d’influence sur la présentation des offres


La règle est claire en la matière : « Si le pouvoir adjudicateur décide, pour mettre en œuvre ces critères de sélection des offres, de faire usage de sous-critères également pondérés ou hiérarchisés, il doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces sous-critères dès lors [qu’ils] sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent en conséquence être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection » (CE, 18 juin 2010, Commune de Saint Pal de Mons, n°337377). Cette consigne s’applique aux critères principaux et secondaires, avait souligné Gilles Pélissier, rapporteur public devant le Conseil d’Etat.

Le pouvoir adjudicateur doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces sous-critères dès lors [qu’ils] sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres

La société évincée a soutenu que les deux éléments en question (la présentation « hors robustesse » et « avec robustesse ») devaient être envisagés de cette manière. Pour aller dans ce sens, le TA s’est focalisé sur les faits suivants : le règlement de la consultation ne fournissait aucune information sur les modalités de mise en œuvre du sous-critère contesté et la distinction robustesse/hors robustesse était peu explicite au vue du dossier technique. Cette ordonnance avait fait l’objet d’un commentaire dans nos colonnes (article en bas de page). Le verdict avait été bien reçu par l’ensemble des avocats interrogés. Maître Antoine Woimant, avocat au cabinet MCL, avait même déclaré que « cette décision est une bonne chose. Dans ces cas-là, les entreprises ne savent pas comment elles vont être notées et les sous-critères cachés servent de variables d’ajustement ou, en tout cas, donnent cette impression. Plus ils seront détaillés, moins il y aura de subjectivité dans l’appréciation des offres ».

Pas d’obligation d’informer les candidats sur la méthode de notation


Quant à Gilles Pélissier, il s’est concentré à mettre en concordance cette règle avec ce principe : le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu d’informer les candidats sur la méthode de notation. D’après l’attributaire, partie elle aussi en défense en première instance, les composantes « présentation hors robustesse » et « présentation avec robustesse » seraient des éléments d’appréciations rattachées à la méthode de notation. « La difficulté vient à ce que la caractéristique d’une offre, à laquelle le pouvoir adjudicateur attache une importance suffisante pour en faire une qualité attendue qu’il doit formaliser par le critère, peut elle-même être conçue de plusieurs éléments, de sorte que son évaluation au regard de ce critère conduira le pouvoir adjudicateur à apprécier les mérites de l’offre des différents éléments qui la compose », a admis le rapporteur public au cours de la lecture de ses conclusions.

Néanmoins, il est possible pour l’acheteur de détailler les éléments sur lesquelles portes l’appréciation pour en faire autant de sous-critères. Mais, il n’y est pas contraint

Théoriquement, il est possible pour l’acheteur de détailler les éléments sur lesquelles porte l’appréciation pour en faire autant de sous-critères. Mais, cela serait difficile à mettre en oeuvre et de surcroit il n’y est pas contraint si ces points ne sont pas susceptibles d’avoir une influence sur l’évaluation des offres, rappelle le maître des requêtes. Dans ce litige, ils n’ont effectivement pas une telle aura, ont considéré les sages du Palais Royal. En effet, comme l’a énoncé le rapporteur public, il ressort du règlement de la consultation une explication et des indications précises sur les notions de présentations « hors robustesse » et « avec robustesse » qui désignent respectivement la fiabilité du système et son architecture matériel et logiciel.

Possibilité de pondérer un élément d’appréciation après l’expiration du délai de présentation des offres


D’autant que le ministère, lors de la notation, les a pondérées de manière équivalente.

un pouvoir adjudicateur peut déterminer, après l’expiration du délai de présentation des offres, des coefficients de pondération pour les sous-critères sous certaines conditions

Pour mémoire, un pouvoir adjudicateur peut déterminer, après l’expiration du délai de présentation des offres, des coefficients de pondération pour les sous-critères sous certaines conditions (CJCE, 24 novembre 2005, ATI, C-331/04). Le Conseil d’Etat a jugé, en l’espèce, que : « la pondération identique de ces deux éléments [manifestaient] l’intention du pouvoir adjudicateur de ne pas accorder à l’un d’entre eux une importance particulière, le juge a commis une erreur de qualification juridique ». Au passage, la haute juridiction, en recherchant l’intention de l’acheteur, a adopté le même raisonnement que dans son arrêt société Cophignon (CE, 25 mars 2013, n°364951). L’ordonnance a été annulée.