Quels recours contentieux pour les entreprises ?

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Le contentieux des contrats publics, s’agissant notamment des actions offertes aux entreprises évincées des procédures de la commande publique, a subi de profondes mutations ces dernières années. L’arsenal offert aux participants aux procédures de dévolution s’est ainsi considérablement étoffé, ces derniers disposant désormais d’un panel diversifié d’actions, dont il convient ici de recenser les grandes lignes.

Quelle action exercer pour empêcher la conclusion du contrat ?

Pour ce faire, et c’est là l’action la plus efficace offerte aux candidats évincés, l’opérateur écarté d’une mise en concurrence doit, d’un point de vue contentieux, exercer une action dite de « référé précontractuel » lui permettant d’invoquer tout manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence dans la conduite de la procédure de passation. Cette action permet de solliciter, en principe, l’annulation totale de la procédure si le vice n’est pas régularisable (par exemple : choix d’un critère d’évaluation des offres irrégulier) ou partielle si le vice peut être corrigé tout en préservant la procédure de passation (exemple : éviction d’une candidature ou d’une offre écartée à tort et susceptible d’être réintégrée). Pendant le temps de cette action contentieuse (qui dure environ 20 jours), la procédure se trouve paralysée puisque, dès la saisine du tribunal, l’acheteur se trouve privé du droit de signer et notifier le contrat. De deux choses l’une alors. Ou bien le recours est accueilli :la procédure est alors annulée totalement ou partiellement et l’acheteur est obligé de corriger les vices identifiés. Ou bien le recours est rejeté : l’acheteur peut, dès la notification de la décision de justice, signer, notifier et faire exécuter le contrat. Seul un pourvoi contre la décision rendu est éventuellement possible.

Quand exercer cette action en référé précontractuel ?

Cette action peut être intentée dès le lancement de la publicité (l’opérateur pouvant par exemple avoir intérêt, en amont, à faire sanctionner immédiatement, par exemple, un critère irrégulier avantageant la concurrence) et jusqu’à la signature effective du contrat. Pour mémoire, cette dernière, sauf pour les marchés à procédure adaptée où la signature du contrat peut être simultanée à la notification de l’éviction, ne peut en principe intervenir qu’après le respect d’un délai de 11 jours (en cas d’envoi électronique) ou 16 jours (en cas d’envoi papier) décompté à partir de l’envoi du courrier d’éviction. En pratique, le référé précontractuel est le plus souvent exercé dès la notification du courrier d’éviction, ce qui impose à l’opérateur d’être vigilant et de faire preuve d’une certaine célérité pour engager son action avant la possible signature du contrat.

Comment exercer un référé précontractuel ?

D’un point de vue matériel, ce recours peut être présenté directement par le représentant, habilité, du candidat évincé, sans ministère d’avocat. Sauf à être habitué à ce type de procédures, il est toutefois recommandé de saisir un conseil pour engager cette action et éviter ainsi certains « chausses-trapes » contentieux. Notamment, ce recours doit être adressé par télécopie au tribunal compétent (pour suspendre plus rapidement les délais) puis doublé en recommandé accompagné d’un timbre fiscal. Il doit également être notifié à l’acheteur par télécopie simultanément à la saisine du tribunal (c’est en effet cette information de l’existence d’un recours qui interdit à l’acheteur de signer le contrat). Il doit par ailleurs être formulé précisément, tant factuellement que juridiquement, s’agissant des moyens invoqués et des conclusions formulées. Il est à cet égard utile au candidat, en cas de saisine d’un conseil, de lui transmettre toutes les pièces de la procédure et d’attirer son attention sur les éventuelles irrégularités de procédure ayant eu impact sur la formulation de son offre (exemple : absence d’indication suffisante sur les données quantitatives du futur contrat ou sur l’impact d’une éventuelle reprise de personnel) ou sur son analyse (critère inadapté à l’objet du marché, formule d’évaluation irrégulière…).

Le déroulement d’une procédure de référé précontractuel ?

Matériellement, une fois saisi, le tribunal communique également la requête à l’acheteur public en lui prescrivant un délai (non impératif) pour produire ses conclusions en défense. S’engage alors un débat contradictoire, lesdites conclusions étant transmises au requérant qui peut alors y répliquer. S’organise enfin une audience publique où chacun expose oralement ses moyens et prétentions. La décision est en principe rendue dans les 20 jours de la saisine du tribunal.

Quels recours en annulation peut-on exercer après la conclusion du contrat ?
Une fois le contrat signé, le candidat évincé peut engager d’autres recours. Il peut ainsi, d’une part, agir en référé contractuel, dans les 31 jours de la publication de l’avis d’attribution (ou dans les 6 mois de la signature du contrat à défaut), afin d’obtenir l’annulation du contrat signé et en cours d’exécution. Cette voie de droit est toutefois très théorique car son champ d’application est particulièrement restreint (remise en concurrence des accords-cadres, absence totale de publicité et de mise en concurrence, violation des délais de signature de 11 jours ou 16 jours…). Le référé précontractuel doit donc lui être préféré. D’autre part, le candidat peut engager, dans le délai de deux mois à compter des modalités de publicité appropriées de signature du contrat (en pratique deux mois à compter de l’avis d’attribution), un recours au fond visant à obtenir l’annulation du contrat et, le cas échéant, l’indemnisation du préjudice subi du fait de l’éviction considérée comme irrégulière. Au besoin, la demande ne peut porter que sur un aspect financier (sans demande d’annulation). Elle peut dans ce cas être théoriquement engagée dans les 4 ans de l’apparition du vice.

Quel calendrier et modalités pour ces actions en référé contractuel et au fond ?
S’agissant du référé contractuel la procédure est similaire à celle du référé précontractuel, avec une instruction et une décision rapide. Pour le recours au fond, la procédure est beaucoup plus longue (en moyenne 12 à 18 mois) et peut faire ensuite l’objet d’un appel et d’un éventuel pourvoi (le tout avec obligation de ministère d’avocat). Les moyens invocables sont en revanche plus étendus, le requérant pouvant faire valoir toutes irrégularités potentielles et non pas seulement celles afférentes aux obligations de publicité et de mise en concurrence (par exemple : insuffisante information des membres de l’assemblée délibérante, incompétence du signataire …). En cas de demandes indemnitaires, associées ou non à une demande d’annulation, il est en outre impératif, à peine d’irrecevabilité, de solliciter avant la saisine du juge une indemnisation par l’acheteur public, cette décision de refus (implicite ou explicite) étant alors attaquée.

Quel recours choisir et pour quel objectif ?

Si l’objectif est de faire annuler immédiatement la procédure de passation pour maintenir une chance d’obtenir le contrat, alors le référé précontractuel s’impose (et le cas échéant le référé contractuel, notamment en cas de violation du délai de signature ayant concrètement empêché l’introduction d’un référé précontractuel). Si le délai d’introduction du référé précontractuel a été dépassé (et que le référé contractuel ne peut lui être substitué), un recours en annulation au fond peut être retenu. L’effet sera toutefois lointain et sans certitude sur l’annulation éventuelle, le juge ayant la possibilité de préserver le contrat. Ce recours est donc à réserver à certaines hypothèses stratégiques ou de principe précises. Quant au recours financier, il peut avoir un intérêt car permettant au requérant d’obtenir, en cas de démonstration d’une perte de chance sérieuse, l’indemnisation de la perte de marge attendue s’il avait obtenu l’exécution du contrat, le tout évidemment sans l’exécuter.

Ces recours sont-ils réservés aux candidats participants ?

Dans l’absolue, le candidat évincé aura toujours intérêt à agir quelle que soit l’action envisagée. Pour autant, dans certains cas, l’opérateur économique n’ayant pas candidaté pourra néanmoins introduire une action contentieuse. Tel sera le cas, en référé, si le requérant démontre, concrètement, l’existence d’un vice lui ayant, concrètement, empêché de candidater (par exemple : publicité insuffisante). S’agissant du recours en annulation au fond, les possibilités contentieuses sont plus larges puisque le requérant doit simplement pouvoir démontrer qu’il aurait eu intérêt à conclure le contrat, quand bien même qu’il n’aurait pas présenté sa candidature ou qu’il n’aurait pas été admis à présenter une offre.