Commande publique : vers une jonction des fonctions

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« C'est avec la logique que nous prouvons et avec l'intuition que nous trouvons »
Henri Poincaré


Tout coïncide merveilleusement ! Cette semaine, à travers nos différents articles et enquêtes, nous sommes heureux d’observer, si ce n’est une logique assumée, en tout cas, une forme de convergence entre services achats et élus…
 

Du soutien politique à l’implication des élus

La nouvelle commande publique, moins juridique, plus économique, environnementale, sociale et sociétale, est donc désormais clairement affichée et perçue comme un levier au service de toutes les politiques. Celui qui la met en œuvre, c’est l’acheteur public. Un acheteur public qui se professionnalise : comprendre "qui s’évertue à jouer toutes les cartes offertes par la réglementation de la commande publique, sans se restreindre par un excès de juridisme" (lire par exemple "Etre en phase avec l’offre économiquement la plus avantageuse").

Cependant, l’acheteur public n’agit pas bien sûr de sa seule initiative. Et l’autre mantra qui prospère, à côté de celui de cet acheteur professionnalisé, c’est celui de l’indispensable soutien du décideur politique : " Nulle commande publique responsable sans un engagement politique fort".

Dans nos colonnes, Thomas Lesueur, Commissaire général au développement durable, le rappelle avec force : « Le préalable au développement d’une politique achat durable pérenne et à impact est l’implication des décideurs dans sa mise en place et sa mesure d’impact ». A côté d’une implication renforcée des entreprises privées dans l’achat durable, il appelle à l’implication des décideurs dans sa mise en place : « Ce ne doit plus être une préoccupation uniquement des services de la commande publique, mais aussi un sujet politique, d’autant que les axes stratégiques de la politique achat vont se traduire financièrement et potentiellement en externalités positives sur le territoire » (relire "[Interview] Thomas Lesueur : «L'achat durable ne doit plus être la préoccupation des seuls services commande publique : c'est un sujet politique »").
 

Des élus à former

Ce que l’on retiendra des propos de la sénatrice du Finistère, et Vice-Présidente de la Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, Nadège Havet (revoir "achatpublic invite Nadège Havet : « La formation des élus à la commande publique, une nécessité ! »") c’est que les élus sont bien souvent désarmés face à la complexité de la commande publique. « Quand on est élu, on ne dispose d’un guide sur tout ce que l’on doit savoir ».
Elle insiste donc sur une indispensable formation des élus locaux : « Si l’on veut faire les bons choix et orienter les choses, il faut une formation ! Dans beaucoup de petites communes, avec un ou deux marchés publics passés par an ne peut pas tout connaître. Elles ont besoin d’informations, de sécurisation… et de formation ». Adepte de la simplification, la sénatrice ne souhaite pas qu’une telle formation des élus à la commande publique soit rendue obligatoire/

Diantre ! D’ici à considérer que le concept d’"accès à la commande publique" concerne aussi bien les PME que les élus locaux…

Diantre ! D’ici à considérer que le concept d’"accès à la commande publique" concerne aussi bien les PME que les élus locaux…

Certes, le constat ne vaut pas forcément pour les grandes collectivités territoriales et intercommunalités. Elles maîtrisent la réglementation, au point qu’elles prennent l’initiative et proposent des améliorations législatives et réglementaires en phase, notamment, avec les crises successives que la France et L’Europe traversent (lire "Alimentation : faire sauter les obstacles" et "Restauration collective : le ministère de l’Agriculture incite les collectivités à accélérer sur « Egalim »").
 

Comme une urgence

Renforcer l’implication des élus dans la commande publique relève d’une double urgence.

D’une part, il faut admettre qu’un important travail didactique, si ce n'est d'acculturation, reste à mener, comme le montre notre veille des rapports d’observations de chambres régionales des comptes, qui ont pour grande vertu de relater la pratique "du terrain" (relire par exemple : "Achat public et insertion professionnelle: le régime des subventions inadéquat" - "Marché public et conflit d’intérêts : se déporter plutôt que de chapoter" - "Exiger un chiffre d’affaires uniquement de l’entité locale chargée du marché public : une pratique contestable" - "Recours à l’entreprise de Monsieur le Maire… si cela va dans l’intérêt de la commune" - "Pas de marché public en "urgence impérieuse" après un épisode de pollution récurrent" ou encore "Subvention en DSP : prévoir des indicateurs et le mode de calcul").
D’où l’intérêt, aussi, de proposer un retour régulier sur les "basiques". Ils concernent tout autant les principes de base de la commande publique, quitte à devoir mettre à bas certaines croyances erronées (lire "[Dessine-moi la commande publique] Qu'est-ce qu'un marché public ?") que les règles de l’engagement décisionnel en droit administratif, comme par exemple les rapports entre l’exécutif et l’organe délibérant (lire "Maire et conseil municipal : chacun sa compétence dans le domaine des marchés publics").

D’autre part, les dispositifs de financement des marchés publics, notamment locaux, ne cessent de se multiplier. On pense au mécanisme destinée à faciliter la rénovation énergétique des bâtiments publics (lire "Le champ des MGP énergétique à paiement différé… précisé") ou le dispositif de reconstruction en urgence (relire "Reconstruction en urgence : dispositif finalisé").

Et même si certains ne semblent pas encore prospérer (lire "Loi de reconstruction en urgence : un bilan mitigé"), de nouveaux apparaissent. La loi n° 2024-279 du 29 mars 2024 prévoit que le préfet peut désormais réduire l’exigence de capacité d’autofinancement des maîtres d’ouvrage de 20 à 10 % pour la rénovation énergétique des bâtiments scolaires (lire "Exigence d'autofinancement des maitres d'ouvrage pour les bâtiments scolaires : de 20 à 10 % !"). La rénovation des bâtiments scolaires… un « marché énorme ! » nous confiait en aparté la sénatrice Nadège Havet..
 

Pas d’inquiétude outre mesure

Tout faire pour encourager la commande publique locale, alors que certaines compétences de base semblent encore à acquérir, pourrait inquiéter. "Pourrait", au conditionnel, car il faut aussi compter avec ce que l’on appelle l’"intelligence territoriale". Par exemple, celle qui amène a Amiens Métropole a créer un comité d’optimisation des achats (COA). « Il faut que les élus interviennent le plus en amont possible, pour donner du sens à l’achat, et participer à la définition des besoins ». Une initiative sur laquelle achatpublic.info reviendra très prochainement.

Une initiative qui confirme cette rassurante convergence : si les acheteurs publics sont sollicités pour un achat public plus « économique », les élus, de leur côté, sont aussi amenés, à s’intéresser à la commande publique…