Une enveloppe, quatre examens

  • 07/03/2011
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Le Conseil d’Etat a suivi son rapporteur public qui préconisait de continuer à bien distinguer les phases de sélection des candidatures des phases d’attribution des offres (1). En appel d’offres, un pouvoir adjudicateur ne peut pas demander aux candidats, avant l’examen des candidatures, de compléter la teneur de leur offre si celle-ci est incomplète.

Dorénavant les consignes sont claires : les candidats envoient un dossier avec toutes les pièces tenant à leur candidature et à leur offre dans une même enveloppe. Mais la personne publique doit, elle, continuer à bien distinguer les différentes phases d’examen conformément aux articles 52, 53, 59 et 35 du CMP. Pour le Conseil d’Etat, le code est limpide. Ses « dispositions (…) distinguent la phase de sélection des candidatures à un marché public (…) de la phase d’attribution du marché au candidat qui a présenté l’offre économiquement la plus avant avantageuse, après élimination, notamment, en application en application du III de l’article 53, des offres que leur teneur, incomplète, rend irrégulières ».

A la réception des dossiers, et « avant de procéder à l’examen des candidatures » (art. 52-I), le pouvoir adjudicateur doit vérifier si toutes les pièces demandées ont été effectivement fournies. Dans le cas où cela ne l’est pas, il a la possibilité de demander aux candidats de « compléter leur dossier de candidature dans un délai identique à tous et qui ne saurait être supérieur à dix jours ». Tous les soumissionnaires en sont informés, même s’il n’y a qu’un seul dossier incomplet. Tous ont alors la possibilité de fournir un complément « dans le même délai ». Une fois cette étape terminée, il est procédé à l’examen des candidatures (art.52-III), puis des offres (art.53). C’est seulement à ce stade d’examen des offres que le pouvoir adjudicateur peut demander éventuellement aux candidats de « préciser ou de compléter la teneur de leur offre » en appel d’offres ouvert (art.59) et qu’il peut éliminer les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables. Ensuite vient l’attribution.

L’article 52-I n’autorise pas à demander de compléter la teneur d’une offre

Les seules dispositions de l’article 52-I du CMP, « si elles permettent au pouvoir adjudicateur qui constate que des pièces dont la production était réclamée sont absentes ou incomplètes de demander à tous les candidats concernés, avant l'examen des candidatures, dans les conditions fixées à cet article, de compléter leur dossier de candidature, (…) elles ne l'autorisent pas à leur demander de compléter la teneur de leur offre ».

Dans l’affaire sur laquelle porte l’arrêt du 4 mars, la région Réunion avait informé tous les candidats à son appel d’offres ouvert relatif à l’entretien ménager d’un campus qu’une entreprise avait été sollicitée pour compléter son dossier de candidature et donc que chacun avait aussi la possibilité d’effectuer la même démarche. A ce stade, la société FMC Antilles qui a obtenu l’annulation de la procédure devant le TA, n’a pas complété son dossier. Son offre a ensuite été rejetée car incomplète donc irrégulière. Il manquait un mémoire technique « nécessaire au jugement de la valeur technique de l’offre » réclamé dans le règlement de consultation. L’entreprise estimait, devant le juge administratif, qu’il y avait alors eu rupture d’égalité de traitement des candidats, le pouvoir adjudicateur ne l’ayant pas invitée, selon elle, à compléter son offre avant l’examen des candidatures. Le juge des référés précontractuels de première instance était de son avis et avait annulé la procédure. Mais celui-ci a confondu les différentes étapes du processus : il a interprété le courrier de la collectivité invitant les candidats à compléter leur dossier comme une invitation à compléter leur offre. Il « n'a ainsi distingué ni entre le contenu du dossier de candidature et la teneur de l'offre, ni entre la phase de sélection des candidatures et celle de jugement des offres » a constaté le juge suprême. Verdict ; erreur de droit et ordonnance cassée. La procédure de la région a été validée.

CE 4 mars 2011, Région Réunion, n°344197, CE 4 mars 2011 région Réunion (1.17 MB)

(1) Le Conseil d’Etat va interpréter la suppression de la double enveloppe