Edito 616
Sur un prélude de Bach, la caméra avance doucement, en travelling avant, vers le port du Havre et ses baraques, ses cargos lourds que l’on rafistole, ses torchères et ses grues patraques, ses citernes de gasoil, qui ne serviront bientôt plus à grand-chose avec l’essor d’une offre d’autocars propres (lire notre article). Le long du quai des brumes, Gabin, un acheteur au long cours, du genre taciturne désespéré, conte fleurette à Michèle, une jeune responsable des marchés, en imper et béret noir Coco Chanel. « C'est le coup de foudre, le coup de bambou, l'amour quoi. Tu sais, le p'tit mec avec ses ailes dans le dos et puis les flèches. Les coeurs sur les arbres, la romance, puis les larmes. Sinon, tu t’y connais en dommages de travaux publics, j’pige pas grand-chose à cette décision du Conseil d’Etat (lire notre article)… Pourquoi tu souris ? » La juriste jouvencelle rougit. « Je sais pas. Je croyais que la vie était tellement triste et puis je vois tout d'un coup que je me suis trompée, alors je suis contente. Si vous voulez, je peux aussi vous apporter des éclaircissements sur la récente décision de la CJUE en matière de in house (lire notre article) ou sur l’analyse des offres et leur régularisation (lire notre invité du jeudi). » « T'es bien avec moi ? », interroge le praticien chevronné. « Oh, vous pouvez pas savoir comme je suis bien quand je suis avec vous. Je respire, je suis vivante. Ça doit être comme ça quand on est heureux. Mais je vais bientôt partir, j’ai postulé au CHU de Nancy : son équipe vient d’être distinguée direction des achats de l’année » (lire notre article). « Pas grave ma belle, de mon côté, j'ai un gros projet, j’dois m’triturer les méninges pour le cahier des charges d’un SI achats » (lire notre article). Comme un miroir à deux faces, le couple s’observe, jouant au chat et à la souris. C’est la minute de vérité, aurait dit Jean Delannoy. « T’as de beaux yeux, tu sais », finit par lâcher Gabin. « Embrassez-moi », lui répond la beauté fatale, alors que la symphonie pastorale retentit. Bon allez, c’est la fin de cet édito désenchanté, après ces douze derniers mois un peu trop tragiques à mon goût. A l’année prochaine, peut-être.
Jean-Marc Binot
(regard bleu)
Jean-Marc Binot
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