Le gouffre

  • 14/02/2017
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En ce jour de Saint-Valentin, j’ai une pensée émue et attristée pour les amoureux transis de l’achat public 2.0, les Roméo et Juliette de la performance économique, les entichés des plans de progrès, les adorateurs du suivi de l’exécution « marquage à la culotte », les mordus de la négo, les passionnés du sourcing, ceux qui en pincent pour le juste besoin, se pâment devant un CCTP aux petits oignons, ou se consument pour les atouts de la mutualisation ; bref tous ceux qui s’escriment à faire remonter, jour après jour, leur poignée d’euros d’économies, et qui ont la satisfaction du travail accompli et le cœur rempli de fierté pour avoir contribué, même à leur modeste échelon, à la restauration des comptes publics. Car la sortie du PPP écotaxe, vilipendée par la Cour des comptes, vient de réduire à néant tous ces efforts. Rendez-vous compte : 958 millions d’euros d’indemnisations versés aux attributaires, à quoi il faut ajouter, pour faire bonne mesure, les 70 millions d’euros consacrés à l’accompagnement du projet, et peut-être 270 millions d’euros supplémentaires si le contentieux finit en jus de boudin. Total : 1,3 milliard envolé, vaporisé. Histoire de vous mettre le moral dans les chaussettes, je vais faire dans le parangonnage. Cette coquette somme représente cinq fois les gains collectés par les acheteurs de l’Etat en 2014 (252 millions), plus que les efforts demandés aux acheteurs ministériels sur la période 2016-2018 (1,1 milliard), ou l’équivalent des gains remontés par les acheteurs hospitaliers sur la période 2015-2017, en tout cas espérés par le programme Phare. A côté, la Symphonie pathétique de Tchaikovsky, c’est de la musique burlesque ; le tonneau des Danaïdes, un puisard riquiquito. Bon allez, vous n’avez plus qu’à vous retrousser les manches, à cracher dans vos pognes et à aller quémander une ristourne lors de votre prochaine commande de gommes et de crayons de papier. Comme le conseillait Pierre Desproges, « en cas de morsure de vipère, sucez-vous le genou, ça fait marrer l’écureuil. » A la semaine prochaine, peut-être.

Jean-Marc Binot