Participation à une SPL : peut-on changer d’avis ?

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Un TA a récemment invalidé une délibération annulant la participation d’un département au capital d’une société publique locale (SPL). Pour la juridiction, la délibération actant cette participation, notamment financière, est une décision créatrice de droits, au profit de la SPL. Elle ne peut donc être retirée au-delà du délai de quatre mois suivant son édiction.

Une promesse de participation au capital d’une société publique locale décidée par délibération peut-elle être retirée ? La question a été posée au tribunal administratif de Strasbourg, suite à l’annulation par le conseil départemental de la Moselle de sa décision de participer à la SPL pour réaliser le futur centre des congrès de Metz. Petit retour en arrière : par délibération du 13 juin 2013, le département de la Moselle a décidé de participer à une SPL pour la réalisation du futur centre des congrès, au capital social de la société, à hauteur de 21% et au financement du futur bâtiment pour 10 millions d’euros. En 2014, la collectivité revient sur sa décision et cède, pour un euro symbolique, ses parts aux autres actionnaires. La SPL a, alors, saisi le juge administratif, d’une demande d’annulation de la délibération en question. cette dernière estime, en effet, que délibération retire une décision créatrice de droits, à savoir l’octroi d’un avantage financier. Elle constitue une promesse non tenue. Le 25 janvier 2017, le TA de Strasbourg annule la délibération attaquée. Dès lors que le conseil départemental a décidé d’octroyer à un tiers - la SPL - une participation, il n’est plus possible de revenir sur cette décision au-delà du délai de quatre mois suivant son édiction. « Le juge rend une décision originale. En appliquant le régime général de la décision administrative créatrice de droits, on contraint une personne publique à investir dans un projet alors qu’elle n’a plus la volonté de le faire », relève maitre Marcos Portela Barreto, avocat au cabinet Bird & Bird.

Prendre toutes les précautions

« L’attribution d’une subvention par une personne publique crée des droits au profit de son bénéficiaire », précise le TA. Mais, ajoute la juridiction, « de tels droits ne sont créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu’elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d’octroi, qu’elles aient fait l’objet d’une convention signée avec le bénéficiaire ou encore qu’elles découlent implicitement mais nécessairement de l’objet même de la subvention » La délibération du 13 juin 2013 est donc une décision créatrice de droits au profit de la SPL, « sans qu’y fasse obstacle le fait qu’elle ne lui ait pas été notifiée. » 

L’attribution d’une subvention par une personne publique crée des droits au profit de son bénéficiaire

Pour le TA, « la double circonstance que le département de la Moselle soit actionnaire de ladite société et que la société ne soit pas concernée par le dispositif de financement envisagé par le département est sans incidence sur le caractère créateur de droits de cette délibération. » En défense, la collectivité fait valoir que la décision de retrait a été prise conformément à ses intérêts et en raison de contraintes budgétaires. Peu importe: le conseil départemental ne pouvait légalement retirer sa décision. De plus, le versement de la participation n’est subordonné à aucune condition. « Il faut faire attention. Le département aurait dû être prudent quant à l’engagement pris initialement, car il n’était assorti d’aucune condition », observe l’avocat. « Quand une collectivité prend un engagement financier en faveur d’un tiers, il est préférable de prévoir des conditions au versement de cet engagement, s’il existe un risque de modification des circonstances de fait ou de droit », prévient maître Portela Barreto. En l’espèce, le département n’a pas pris cette précaution. Il ne pouvait donc plus retirer sa décision au-delà d’un délai de quatre mois.
« Le juge mêle le régime de la décision administrative et l’investissement, c’est-à-dire le département en tant qu’entité qui prend une décision administrative et le département actionnaire. On voit alors les limites d’une personne publique actionnaire. Le juge ne veut pas, par cette décision, faire de distinction entre les deux situations. Il ne veut pas prévoir un régime de retrait de la décision administrative qui serait plus souple quand la collectivité intervient en tant qu’actionnaire d’une SPL. Les règles de retrait sont encadrées et le juge entend, par ce jugement, en garder une application très générale », indique l’avocat.