La lettre d’achatpublic.info n°520

  • 14/11/2014
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Rendez-vous avait été pris dans une brasserie parisienne huppée des quartiers chics, une cantine plutôt appréciée par mon contact, que, dans un souci déontologique de protection des informateurs, nous appellerons Jean-Pierre. Cette source proche du dossier, comme on aime à le répéter dans notre jargon, m'avait assuré qu'il avait de quoi déstabiliser pas mal de monde. Après quelques amuse-bouches, un verre de Bâtard-Montrachet 2008 et les traditionnelles platitudes sur le climat-exceptionnellement-doux-pour-la-saison et les enfants-qui-grandissent-trop-vite, il m'a glissé à l'oreille : « vous êtes au parfum ? Le Bleuet de France vendu le 11 novembre est fabriqué via un marché article 15. Je peux vous donner le tarif obtenu par le commanditaire, mais il faut taper vite. » « Je vous écoute, cependant je vous préviens : je vais vous enregistrer et je vais utiliser cette conversation  dans un article, et peut-être même carrément dans un livre si je n'ai vraiment rien d'autre à faire les semaines qui viennent », ai-je répondu en sortant mon dictaphone. « Ok j'accepte, de toute façon, je nierai formellement avoir tenu de tels propos. Donc voilà, par rapport au précédent fournisseur asiatique, le prix est seulement d'un centime plus cher à partir de 200 000 produits commandés » (lire notre article). « J'ai aussi dans ma sacoche une déclaration de Marc Sauvage, le président de la CDAF, partisan d'une plus grande liberté pour les acheteurs publics, qui propose de relever les seuils permettant la négociation (lire notre invité du jeudi), a-t-il ajouté, je la tiens d'un cousin, qui a pour client l'épouse d'une personnalité qui a participé à une réunion au cours de laquelle on en a parlé. Mais c'est un troisième homme qui me l'a communiquée. Vous me suivez ? »  J'ai opiné du chef. Juste avant le dessert, il m'a confié une chemise cartonnée contenant plusieurs décisions de justice, au sujet d'un pouvoir adjudicateur qui avait exigé des candidats à un marché d'assurance qu'ils lui reversent 3% du montant des primes (lire notre article),  et d'un acte d'engagement non signé (lire notre article). « Bien entendu, je ne vous demande pas une quelconque intervention pour accélérer leur publication, démarche par ailleurs inimaginable », a-t-il murmuré en souriant. Bon allez, c'est la fin de cet édito quasi-diffamatoire, qui risque de provoquer, outre un torrent de boue, des faux-vrais démentis et des contre-vérités. A la semaine prochaine, peut-être.