Eviction irrégulière d’une DSP : l’indemnisation serait possible

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Si le Conseil d'Etat suit son rapporteur public, Bertrand Dacosta, il pourrait ouvrir aux candidats à l’attribution d’une DSP la possibilité de demander réparation du préjudice né de l’éviction irrégulière de leur candidature. En l’espèce, il a proposé de censurer la CAA qui avait refusé d’indemniser l’entreprise pour perte d’une chance sérieuse. Affaire à suivre…

Les entreprises candidates à l’attribution d’un marché public peuvent demander réparation du préjudice né de leur éviction irrégulière. Il pourrait en être désormais de même pour les entreprises candidates à une délégation de service public. « L’analyse du juge d’appel repose sur le triptyque dégagé notamment en 2003 dans l’arrêt Groupement d’entreprises solidaires ETPO Guadeloupe : l’entreprise était-elle dépourvue de toute chance de voir sa candidature retenue ? Dans l’affirmative elle n’a droit à aucune indemnité. Dans la négative, elle a droit au remboursement des frais engagés pour présenter son offre. Dans le cas où elle avait des chances sérieuses de voir sa candidature retenue, elle a droit à l’indemnisation de l’intégralité du manque à gagner qu’elle a subi, rappelle le rapporteur public au Conseil d’Etat, Bertrand Dacosta. La CAA de Marseille a appliqué ce raisonnement aux DSP. L’extension est logique. Désormais les DSP sont soumise aux obligations de publicité et de mise en concurrence sur des fondements textuels. De plus, le juge opère un contrôle restreint sur le choix du délégataire. La grille de lecture a vocation à être mise à jour pour les DSP. Mais, reconnaître l’existence d’une chance sérieuse est plus rare en matière de délégation de service public, estime Bertrand Dacosta. Toutefois, le maniement fait par la CAA de la jurisprudence nous laisse perplexe. Sur le plan des principes, l’arrêt de 2003 s’applique si la collectivité renonce pour un motif d’intérêt général à conclure le contrat ». En matière de marchés publics, le rapporteur relève que les articles 59 et 64 du CMP offre au pouvoir adjudicateur la possibilité de mettre fin à la procédure pour un tel motif. « Cette faculté ne doit pas être utilisée pour contourner les exigences du CMP », met en garde Bertrand Dacosta. Dès lors, la possibilité de renoncer à un marché public, vaut également dans le cadre des DSP.

La perte d’une chance sérieuse

« En droit des DSP, il n’y a pas de pouvoir discrétionnaire. La loi Sapin indique que la collectivité choisit librement le délégataire. On pourrait en déduire que finalement aucun candidat à une DSP ne peut demander réparation de son éviction. Mais il ne faut pas retenir des conséquences aussi extrêmes, estime-t-il.

Pour autant doit-on affirmer que le choix de renoncer à signer exclu toute indemnisation ?

 Si la collectivité ne signe pas le contrat pour un motif d’intérêt général, l’irrégularité de la procédure, qui a été arrêtée ne préjudicie par à l’entreprise candidate. Le comportement de la collectivité peut être fautif mais c’est un autre problème. Pour autant doit-on affirmer que le choix de renoncer à signer exclu toute indemnisation ? On ne le pense pas ». En l’espèce, le requérant, titulaire du sous-traité d’exploitation d’une concession de plage à Cavalaire-sur-Mer, a été évincé de la procédure lancée en 2001 par la commune. Il en a obtenu l’annulation. En 2002, une nouvelle procédure a été lancée. Le requérant, encore une fois exclu, à de nouveau réussi à la faire annuler pour irrégularité. S’il n’avait pas saisi le juge, son action aurait été recevable sur le terrain indemnitaire. Compte tenu de l’échéance de la concession au 31 décembre 2004, la commune a renoncé à lancer une troisième procédure. « Le requérant a été privé d’un intérêt à agir du fait de l’irrégularité. Mais la circonstance que la commune renonce à la signature ne l’exonère par de sa responsabilité. Pour les années 2001/2002, l’entreprise avait donc une chance sérieuse de remporter le marché. La cour a alors commis une erreur de droit en refusant l’indemnité pour les années 2202, 2003 et 2004. Il en va différemment pour la période postérieure », développe le rapporteur public. Le requérant évoquait également un parfum de détournement de pouvoir, la collectivité ayant en 2008 recréé son ancien lot. « L’arrêt relève que le détournement de pouvoir n’est pas allégué. Ici, il n’y a d’éléments précis et circonstanciés pour prouver que le but de l’opération était de l’évincer », observe-t-il. Il propose donc à la haute juridiction l’annulation partielle de l’arrêt pour la période allant de 2002 à 2004. La balle est dans le camp du CE.