L’entreprise privée du droit d’exercer un précontractuel peut ouvrir un référé contractuel

  • 29/06/2011
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S’il est obligatoire pour le pouvoir adjudicateur d’informer le candidat évincé du rejet de son offre, la mention du délai de suspension entre la date d'envoi de la notification dudit rejet et la conclusion du marché l’est tout autant. Son absence ouvre au candidat ainsi privé de référé précontractuel, le « droit » à l’exercice d’un référé contractuel. Une pierre de plus pour définir les modalités d'application de ce recours, après la décision France Agrimer.

Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 8 septembre 2010, l’Office public de l’habitat interdépartemental de l’Essonne, du Val-d’Oise et des Yvelines (OPIEVOY) a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de l'attribution de onze lots portant sur des prestations de nettoyage de parties communes et des espaces extérieurs, de gestion des rejets et de traitement des encombrants pour l'ensemble des résidences de l'établissement situées en Ile-de-France. La société Agence Propreté Service (APS), qui a soumissionné pour les lots n° 8, 9 et 10, a vu sa candidature admise pour le lot n° 8 et a donc présenté une offre pour ce lot. Mais, par deux courriers des 26 et 29 novembre 2010, l'office l'a informée de l'attribution du lot n° 8 à la société SENI et du rejet de son offre au motif qu'elle avait été déclarée économiquement inacceptable. Ayant présenté une demande en référé précontractuel le 23 décembre 2010 auprès du tribunal administratif de Versailles, la société APS s'est désistée de cette instance le 28 décembre 2010 après avoir appris que la signature du marché était intervenue le 15 décembre. Elle a alors formé le 29 décembre une demande en référé contractuel auprès du même tribunal. Par une ordonnance du 28 janvier 2011, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a annulé le contrat relatif au lot n° 8 du marché. L’OPIEVOY et la société SENI ont porté l’affaire devant le Conseil d’État. Le 24 juin dernier, le juge administratif suprême (1) a rejeté en bloc les allégations des deux requérants, venant ainsi, comme l’y invitait le rapporteur public (2), poursuivre la construction du régime juridique du référé contractuel, notamment quand le demandeur est privé du droit d’exercer un référé précontractuel.

La privation du droit au référé précontractuel

En principe, le code de justice administrative (art. L. 551-14) prévoit que le recours contractuel n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du référé précontractuel. Toutefois, ces dispositions n'ont pas pour effet de rendre irrecevable un recours contractuel introduit par un concurrent évincé qui avait antérieurement présenté un recours précontractuel alors qu'il était dans l'ignorance du rejet de son offre et de la signature du marché par suite d'un manquement du pouvoir adjudicateur. Les dispositions de l'article 80 du code des marchés publics prévoient en effet l'obligation de notifier aux candidats le rejet de leurs offres et fixe un délai minimum de seize jours, réduit à onze jours dans le cas d'une transmission électronique, entre la date d'envoi de cette notification et la conclusion du marché. En l’espèce, si le candidat évincé a bien été informé du rejet de son offre par le pouvoir adjudicateur, « il ne l'a pas été (…) du délai de suspension que ce dernier s'imposait entre la date d'envoi de la notification du rejet de l'offre et la conclusion du marché », a expliqué le Conseil d’État.

La recevabilité à former un référé contractuel

Dès lors, le juge des référés « n'a pas commis d'erreur de droit ni méconnu son office en jugeant qu'à défaut pour elle d'avoir été informée de ce délai lors de la notification du rejet de son offre, la société APS, qui était de ce fait dans l'ignorance de la signature du marché lorsqu'elle a présenté un référé précontractuel, était recevable à former un référé contractuel », ont précisé les sages du Palais Royal. Pis, pour le juge administratif suprême, ce délai n'a pas pu courir à l’encontre de la société en cause. La signature du contrat le 15 décembre 2010 « est intervenue avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre (…), le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier en jugeant que l'absence d'indication de ce délai avait privé la société APS, qui était de ce fait dans l'ignorance de la date de signature du contrat, de son droit d'exercer utilement un recours en référé précontractuel à l'encontre du marché en cause ».

(1) Décision du Conseil d’État du 24 juin 2011, recours de l’OPIEVOY et de la société SENI. CE 24 juin 2011 OPIEVOY (1.14 MB)

(2) Lire notre article du 22 juin 2011