Une « attestation de vigilance » parade contre le travail dissimulé

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Au chapitre de la lutte contre le travail au noir, la personne publique n’a plus besoin de demander aux fournisseurs des attestations sur l’honneur. Elle doit, en revanche, toujours exiger périodiquement une attestation de vigilance pendant la durée du contrat. Et prévoir des pénalités en cas d’infraction.

Bien que la commande publique ne représente pas un risque direct de travail dissimulé, elle constitue néanmoins indirectement un terreau favorable à ce type de fraude, en particulier dans les secteurs faisant appel à de la main d’œuvre, tels que le BTP. En cas d’infraction avérée, si la personne publique n’a pas rempli les obligations qui lui incombent, sa responsabilité civile peut être engagée et elle s’expose au risque de devoir payer solidairement les impôts, taxes et cotisations non réglées par son cocontractant. Ce n’est donc pas un sujet à négliger, surtout dans le contexte économique et politique actuel… Depuis la loi du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, qui a modifié l’article L. 8222-6 du code du travail sur le travail dissimulé, tout contrat écrit (DSP, PPP, marché public…), passé par une personne morale de droit public, doit prévoir une pénalité dans le cas où l’entreprise ne respecte pas ses obligations en la matière. Deux obligations particulières sont mises à la charge du donneur d’ordre : l’obligation de vigilance, dans le cadre de l’exécution du marché, et une obligation spécifique concernant les salariés étrangers.

Demander l’attestation de vigilance

De fait, comme l’a rappelé Emmanuel Dellacherie, à la tête de la direction de projets  de lutte contre la fraude à la direction de la sécurité sociale, lors d’une conférence sur le sujet organisée par la Mission Ecoter, le 14 mars 2012, la personne publique se doit de vérifier la situation de son cocontractant, au moment de la signature du contrat, mais également  au cours de son exécution, selon un nouveau procédé. Ainsi, depuis le 1er janvier dernier, les attestations sur l’honneur sociales et fiscales de conformité ont disparu. Mais l’obligation de vigilance a été renforcée. L’URSSAF a mis en place un dispositif d’attestation, délivrée de façon dématérialisée, aux entreprises  qui sont à jour de leurs cotisations et que les donneurs d’ordre doivent exiger tous les six mois pendant la durée du marché : c’est  l’attestation de vigilance. « Le maître d’ouvrage peut vérifier, sur le site de l’URSSAF, la conformité de l’attestation délivrée par une entreprises grâce à un numéro de sécurisation indiqué sur le document qui permet de contrôler son authenticité, complète le directeur. Le donneur d’ordre peut y voir par la même occasion la masse salariale de l’entreprise et l’état de ses paiements de cotisations le nombre de salariés et le total des rémunérations déclarées. Une entreprise, ayant fait l’objet d’une verbalisation, ne peut obtenir cette attestation si elle n’a pas réglé son redressement », précise-t-il. Ce système est complété par une obligation de diligence : lorsqu'une personne publique  est informée par un agent de contrôle que son sous-traitant est en situation délictuelle de travail dissimulé, elle  doit l'enjoindre à  faire cesser cette situation. Si le sous-traitant ne le fait pas (dans le délai qui reste à fixer par décret), elle peut rompre le contrat ou appliquer (à l'avenir) des pénalités. Mais si la personne publique n'enjoint pas son cocontractant à le faire, elle se met en danger. Comme le défaut de vigilance, le défaut de diligence peut se traduire par la mise en jeu de la solidarité financière du donneur d'ordre.

Salariés étrangers : obligation spécifique

Ainsi, en cas de refus de régularisation, la personne publique bénéfice d’un droit de sanction : elle peut rompre par anticipation le contrat aux seuls torts du cocontractant défaillant, ou encore exercer des pénalités financières à son encontre, après le non respect de la mise en demeure. Un décret d’application est toutefois encore nécessaire pour que ce dispositif de pénalités puisse être mis en œuvre. S’agissant du cas des salariés étrangers, le donneur d’ordre doit bien évidemment s’assurer que son cocontractant n’emploie que des travailleurs munis d’un titre de travail. A cet effet, il doit demander une liste nominative des salariés étrangers pourvus d’une autorisation de travail, laquelle remplace la déclaration sur l’honneur. Que l’entreprise soit établie en France ou installée en dehors de l’hexagone avec un détachement de salariés étrangers, le procédé est peu ou prou identique. Le prestataire doit communiquer cette liste nominative, établie à partir du registre unique du personnel, et indiquer pour chaque travailleur sa date d’embauche, sa nationalité ainsi que le type et/ou le numéro d’ordre du titre valant autorisation de travail. Pour finir, rappelons que les contrôles doivent s’effectuer dès 3 000 euros et que le recours volontaire sciemment au travail dissimulé est pénalement sanctionné : trois ans d’emprisonnement et/ou 225 000 euros d’amendes pour les personnes morales (45 000 € pour les personnes privées). Selon Emmanuel Dellacherie, les fraudes à la sécurité sociale ont représenté plus de deux milliards d’euros depuis 2006. En 2010, sur un peu plus de 450 millions d’euros de fraudes détectées, 190 M€ concernaient le travail non déclaré.


Lors de la conclusion du contrat, la personne publique doit se faire remettre les pièces prévues par les articles D. 822-4 et D. 8222-5 du code du travail pour le cocontractant établi en France et D. 8222-6 à D. 8222-8 pour celui établi à l’étranger. Ces documents sont mentionnés dans le formulaire NOTI 1.

Depuis le 1er janvier 2012 (décret du 21 novembre 2011)
-suppression des attestations sur l’honneur sociales et fiscales de conformité avec la réglementation et de dépôt des déclarations produites par le sous-traitant
- obligation de vigilance renforcée des donneurs d’ordre : l’attestation de fourniture de déclarations sociales par le cocontractant devra mentionner le paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale