Petite carte postale envoyée du pays d’acheteurs survoltés.
Lundi soir dernier, achatpublic.info est de sortie au théâtre Mogador à Paris, pour assister à la remise des prix de la 18e édition des Trophées des achats, organisés par Républik Achats. L’idée, c’est de se décentrer un peu de l’achat public, pour prendre la température du côté des acheteurs privés. "Un pas de côté", comme on dit, qu’achatpublic.info fait de temps à autres (relire "Un Huron chez les acheteurs privés").

Cet exercice de dépaysement peut être mis à profit, à condition de garder à l’esprit que si l’un et l’autre se comparent, parfois se rejoignent (lire "Les acheteurs en 2025 ? Heureux... mais vigilants"), s’inspirent, voire s’envient, il reste un distinguo fondamental.
D’un côté, l’acheteur public manie des deniers publics, avec les contraintes et les objectifs qui s’en suivent. Certains font mine de l'oublier : « Les acheteurs publics seraient plus agiles sans appel d'offres » (relire "La simplification « Au pas de charge » ?").
De l’autre, et même s’il assure être à la pointe de la sauvegarde de l’environnement par la pratique l’achat responsable, assurant notamment que « qu’il n’y a pas de compromis entre RSE et performance économique » , l’acheteur privé est lui à la recherche de « la perf ».
 

"La perf"... Et oui : il faut d’abord passer le cap du vocabulaire : que d’anglicismes, entourés d'expressions "Entreprise" ! Et on ne parle pas seulement du "supply chain" ! Outre les « success story » de « la gagne », à la recherche de « gisements de performance ». On cherche la « création de valeur dans un esprit collaboratif de challenging ! »… c’est du « cost engineering » !

Le rôle du responsable achat est aussi décrit comme « celui à la recherche de transformations par la mise en place de leadership inspirants pour transformer les défis en opportunités ». Parce que le responsable achat, c’est celui qui a la capacité « d’emboarder la prescription, pour créer de la valeur autour du process Achat. »

Oui… il faut donc bien un temps d’adaptation.

Il y a aussi de quoi dérouter, quand on se réjouit de la « perf » des entreprises liées à l’armement, « très portées » par la situation internationale. Ce n’est pas de la fausse pudeur ou se masquer les réalités, mais il est vrai que dans la sphère publique le ton est plus feutré…
 

Coté acheteurs publics, on aborde la montée en puissance de l’IAG dans le métier avec, semble-t-il ,un certain calme, si ce n’est prudence (relire "L’utilisation de l’IAG dans la sélection des offres : des zones de réticence" et "[Tribune] Les achats publics à l'heure de l'IAG: entre promesses et défis").
Mais à Mogador, ce ne sont que superlatifs ! Joie, bonheur et exaltation ! La quasi-totalité des projets présentés et/ ou récompensés s’appuient sur les apports de l’IA dans les entreprises « La maturité de la fonction Achat adresse de challenges nouveaux, comme l’IA». L’IA, « c’est magique ! ».

Ici, elle permet de lutter contre les risques Achats ; là, une plateforme IA permet de recruter les personnes les plus éloignées de l’emploi grâce à des entretiens pré-qualifiés par IA. L’IA permet de monter un logiciel de "Costing" au service des acheteurs ou permet « la gestion complexe de l’interconnexion de tous les services pour casser les silos avec de la data compréhensible ». Une solution IA analyse les marchés de prestations intellectuelles ; une autre permet d’évaluer les soumissionnaires...

Plus pratique encore, « une solution IA permet le chiffrage ultra rapide, l’estimation et la renégociation avec les fournisseurs et les estimations de prestations Achats en quelques minutes ! » Et dire que le acheteurs publics se font des nœuds sur la mise en œuvre de la pratique des "3 devis"...

Une autre solution permet une « gouvernance de la data boostée à l’IA pour prendre des décisions ». Un responsable Achat d’une grande entreprise parle même d’"Agents IA" qui discutent entre eux… Et l’IA investit tous les secteurs : un candidat a présenté (avec succès) un outil qui permet de contrôler l’image de marque de l’entreprise. Un autre propose une solution pour « reprendre le contrôle sur le parc logiciel IA d’une entreprise, et poser un plan d’action et négocier ensuite avec les éditeurs de solutions».

Entre les interludes musicaux musclés, les éclairages vifs,  les danseuses très en forme et les effets pyrotechniques.... Cela finit par donner le tournis !