
RFGP : on continue à gratter !

« Une humeur capricieuse et volontaire, un caractère entier et décidé, un goût d'indépendance, font le têtu. Un petit esprit, une tête vaine, quelque intérêt d'amour-propre ou autre, font l'entêté »
François Guizot
François Guizot
« Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément. ». Ainsi parlait Nicolas Boileau. Un adage assez commode quand, de mauvaise foi peut-être, on refuse d’aller plus loin dans la compréhension. Mais on n’est pas comme ça, à achatpublic.info. Quand il y a un point qu’on ne saisit pas bien, on s’obstine, on creuse, on gratte et on redemande des éclaircissements. C’est le cas avec le régime de la responsabilité financière des gestionnaires publics (RFGP).
« Froid dans le dos »
Ce n’est pas le régime en lui-même qui créé l’actualité, puisqu’il remonte à une l’ordonnance n°2022-408 du 23 mars 2022, mais plutôt l’émoi causé par les premières décisions chez les agents publics. « Certaines décisions font froid dans le dos ! » expliquait Me Jean-Marc Peyrical, lors de la Conférence d’actualité de la commande publique organisée par achatpublic.info lors du Salon des maires le 21 novembre 2024. Il prédisait ainsi que « L’ordonnance va avoir un effet drastique sur les acheteurs publics ».
Côté acheteur public, on retiendra trois affaires particulières qui ont eu de fait un certain retentissement.
La première affaire qui agite particulièrement les acheteurs publics, c’est celle jugée par la Cour des comptes le 7 octobre 2024 (n°S-2024-1305) : une secrétaire de mairie n’a pas transmis à l’assureur dans les délais requis plusieurs déclarations de sinistre et la mairie é n’a pu être indemnisée en totalité de 2018 à 2021. Une perte évaluée à 44 770,31 € (relire "Une secrétaire de mairie condamnée pour des fautes dans l'exécution de son marché public d’assurance").
La deuxième affaire, c’est l’arrêt de la Cour des comptes 3 mai 2024, Département de l'Eure" (n° S-2024-0715) Un ordonnateur et un comptable public du département de l'Eure sont condamnés par la Cour des comptes pour des défauts de contrôle dans la mise en paiement de sommes dues à une entreprise titulaire d'un marché de travaux, dans le cadre d'une escroquerie à l'affacturage. (relire "La Cour des comptes condamne des agents pour «négligences» dans le paiement d'un marché").
Plus récemment , un ex-comptable public d’une commune est condamné à une amende de 7 500 € par la chambre du contentieux pour avoir payé pendant plusieurs mois des mandats relatifs à un accord-cadre de travaux à bons de commande, sans avoir relevé que la facturation était supérieure aux prix négociés (relire "Surfacturation : un comptable public condamné au titre de la RFGP").
Ces affaires ont suscité une bronca (relire "Responsabilité financière des gestionnaires publics : élus et directeurs généraux lancent l’alerte"). L’inquiétude remonte même jusqu’au Parlement : un sénateur alerte le gouvernement sur un "effet pervers" de la RGPF, qui »risque de fragiliser les finances des collectivités territoriales « si des mesures correctrices ne sont pas rapidement envisagées » (relire "RFGP : "d’une logique réparatrice à une logique de responsabilisation").
Côté acheteur public, on retiendra trois affaires particulières qui ont eu de fait un certain retentissement.
La première affaire qui agite particulièrement les acheteurs publics, c’est celle jugée par la Cour des comptes le 7 octobre 2024 (n°S-2024-1305) : une secrétaire de mairie n’a pas transmis à l’assureur dans les délais requis plusieurs déclarations de sinistre et la mairie é n’a pu être indemnisée en totalité de 2018 à 2021. Une perte évaluée à 44 770,31 € (relire "Une secrétaire de mairie condamnée pour des fautes dans l'exécution de son marché public d’assurance").
La deuxième affaire, c’est l’arrêt de la Cour des comptes 3 mai 2024, Département de l'Eure" (n° S-2024-0715) Un ordonnateur et un comptable public du département de l'Eure sont condamnés par la Cour des comptes pour des défauts de contrôle dans la mise en paiement de sommes dues à une entreprise titulaire d'un marché de travaux, dans le cadre d'une escroquerie à l'affacturage. (relire "La Cour des comptes condamne des agents pour «négligences» dans le paiement d'un marché").
Plus récemment , un ex-comptable public d’une commune est condamné à une amende de 7 500 € par la chambre du contentieux pour avoir payé pendant plusieurs mois des mandats relatifs à un accord-cadre de travaux à bons de commande, sans avoir relevé que la facturation était supérieure aux prix négociés (relire "Surfacturation : un comptable public condamné au titre de la RFGP").
Ces affaires ont suscité une bronca (relire "Responsabilité financière des gestionnaires publics : élus et directeurs généraux lancent l’alerte"). L’inquiétude remonte même jusqu’au Parlement : un sénateur alerte le gouvernement sur un "effet pervers" de la RGPF, qui »risque de fragiliser les finances des collectivités territoriales « si des mesures correctrices ne sont pas rapidement envisagées » (relire "RFGP : "d’une logique réparatrice à une logique de responsabilisation").
La bonne gestion des deniers publics ? Tout le monde est d’accord !
Dès la publication de l’ordonnance, achatpublic.info fouille dans les rapports et autres colloques présentant le nouveau régime. Sur le papier, aucune inquiétude n’est justifiée, avec des annonces a priori rassurantes : « Les personnes n’ayant fait qu’exécuter un ordre hiérarchique ou une délibération d’une collectivité territoriale ne peuvent être poursuivies ». Il ne s’agit que de « contribuer à une gestion correcte des deniers publics, l’exemplarité de la gestion publique et la confiance des citoyens dans l’action publique, car tel est bien l’objectif final » (relire "La réforme ordonnateur/comptable vue par la Cour des comptes" - "Responsabilité financière : faut-il en avoir peur ?" et "[Interview] Olivier Fréel : La réforme ordonnateur/comptable ?" Attendue, réclamée, et indispensable ! »).
Là où cela se complique, c’est donc lors de la mise en œuvre contentieuse : on passe de principes et d’objectifs généraux, en réalité assez peu critiquables, à des condamnations bien concrètes d’agents, sur leurs deniers personnels. « Un contentieux moins lourd que le contentieux pénal ? Dans la vie personnelle et professionnelle d'un agent, cela reste encore à prouver ! » nous glissent plusieurs avocats !
Là où cela se complique, c’est donc lors de la mise en œuvre contentieuse : on passe de principes et d’objectifs généraux, en réalité assez peu critiquables, à des condamnations bien concrètes d’agents, sur leurs deniers personnels. « Un contentieux moins lourd que le contentieux pénal ? Dans la vie personnelle et professionnelle d'un agent, cela reste encore à prouver ! » nous glissent plusieurs avocats !
La commande publique peu concernée ?
Et donc, achatpublic.info rencontre Véronique Hamayon, Procureure générale près la Cour des comptes, pour qu’elle réponde aux inquiétudes, qu’elle attribue à « Un emballement injustifié ». Selon la magistrate, « Le régime étant nouveau et la jurisprudence n’étant pas encore stabilisée, il peut légitimement y avoir des inquiétudes. Mais il ne faut pas tomber dans l’irrationnel ! ». Elle explique dans nos colonnes qu’en matière de commande publique, rares sont les cas dans lesquels il est possible d’identifier précisément et rigoureusement la perte ou le manque à gagner pour la collectivité publique, « et donc de déterminer le préjudice financier causé par un manquement aux règles de la commande publique » (Relire "[Interview] « La poursuite des gestionnaires publics n’est pas automatique »… encore moins dans la commande publique !").
Sauf que pour achatpublic.info, il y a encore quelques points à éclaircir… (relire "Responsabilité des gestionnaires publics : deux ou trois trucs bizarres").
Alors… on y retourne !
Sauf que pour achatpublic.info, il y a encore quelques points à éclaircir… (relire "Responsabilité des gestionnaires publics : deux ou trois trucs bizarres").
Alors… on y retourne !
Discipliner plus que sanctionner
Cette semaine, nous interviewons Nicolas Groper, Premier avocat général à la Cour des comptes, et auteur de l’imposant ouvrage "Responsabilité des gestionnaires publics devant le juge financier" (Dalloz - lire "[Interview] La RFGP, pour« Discipliner les agents publics »").
Nicolas Groper tient également des propos qui se veulent aussi rassurants : « La philosophie du régime de la RFGP n’est pas de rechercher à réparer un préjudice, mais à discipliner les agents publics dans l’utilisation des deniers publics ». Ce que "chasse" la RFGP, ce sont les fautes graves, répétées malgré des avertissements. On pense alors avoir compris que le régime de la RFGP n’est pas à mettre en lien avec la distinction classique faute de service/faute personnelle. La RGPF est un régime "autonome" qui veut responsabiliser individuellement le gestionnaire public qui manie de l’argent public.
Si on a compris, espère-t-on, la philosophie générale de la RFGP, cela suffira-t-il à lever les inquiétudes et à assurer son "acceptabilité" ?
Nicolas Groper tient également des propos qui se veulent aussi rassurants : « La philosophie du régime de la RFGP n’est pas de rechercher à réparer un préjudice, mais à discipliner les agents publics dans l’utilisation des deniers publics ». Ce que "chasse" la RFGP, ce sont les fautes graves, répétées malgré des avertissements. On pense alors avoir compris que le régime de la RFGP n’est pas à mettre en lien avec la distinction classique faute de service/faute personnelle. La RGPF est un régime "autonome" qui veut responsabiliser individuellement le gestionnaire public qui manie de l’argent public.
Si on a compris, espère-t-on, la philosophie générale de la RFGP, cela suffira-t-il à lever les inquiétudes et à assurer son "acceptabilité" ?
Persistantes inquiétudes
Nos interlocuteurs de la Cour des comptes nous auront donc tous expliqué que la RFGP est un contentieux naissant, qui se stabilisera. Il n’a rien d’automatique ; il prend en compte d’un côté la gravite de la faute sanctionnée ; de l’autre le contexte et toutes les circonstances atténuantes ou exonératoires. Il reste quand même des questions, qui tiennent à la prévisibilité de la règle.
D’abord, qu’est-ce que le "préjudice significatif" qui sous-tend les poursuites ? C’est pour le moins un critère d’une redoutable imprécision ! Pour mémoire, la Cour des comptes, dans l’affaire "Département de l’Eure", précise que le "préjudice financier significatif était en l’espèce d’un montant de 791 000 € sur un budget total de 677 millions d'euros, soit 0,001 % !
Ensuite, quel sera l’effet déclencheur, l’acte qui justifiera à l’avenir une procédure ? Dans les premières affaires, des erreurs « manifestes » ont été sanctionnées. Mais la commande publique dans un contexte de tensions financières, est large de potentialités, pour le juge financier qui voudrait "assoir " le régime... quitte à avoir la main "lourde" sur les premières affaires...
Qui dit que des avenants "circonstances imprévues" n’attirent demain son attention ? Qui dit que demain, il ne considérera pas que le non-respect des délais de paiement et donc le versement des intérêts moratoires, ne relèvent pas d’une faute sanctionnable au titre de la RFGP ?
Poursuivons cette vision dystopique : compte tenu des « coûts de l’achat public », ira-ton jusqu’à enquêter sur une procédure de passation mal engagée par l’acheteur ? La non mise en œuvre de pénalités auprès des fournisseurs (lire "Marché public : loi Egalim et pénalités vont de pair") ?
Alors, si doute il y a nos investigations doivent se poursuivre ! Vendredi 4 juillet, à 9h00, achatpublic invite... Nicolas Groper… Que de questions nous avons à lui poser, lors de notre de notre émission en direct !
D’abord, qu’est-ce que le "préjudice significatif" qui sous-tend les poursuites ? C’est pour le moins un critère d’une redoutable imprécision ! Pour mémoire, la Cour des comptes, dans l’affaire "Département de l’Eure", précise que le "préjudice financier significatif était en l’espèce d’un montant de 791 000 € sur un budget total de 677 millions d'euros, soit 0,001 % !
Ensuite, quel sera l’effet déclencheur, l’acte qui justifiera à l’avenir une procédure ? Dans les premières affaires, des erreurs « manifestes » ont été sanctionnées. Mais la commande publique dans un contexte de tensions financières, est large de potentialités, pour le juge financier qui voudrait "assoir " le régime... quitte à avoir la main "lourde" sur les premières affaires...
Qui dit que des avenants "circonstances imprévues" n’attirent demain son attention ? Qui dit que demain, il ne considérera pas que le non-respect des délais de paiement et donc le versement des intérêts moratoires, ne relèvent pas d’une faute sanctionnable au titre de la RFGP ?
Poursuivons cette vision dystopique : compte tenu des « coûts de l’achat public », ira-ton jusqu’à enquêter sur une procédure de passation mal engagée par l’acheteur ? La non mise en œuvre de pénalités auprès des fournisseurs (lire "Marché public : loi Egalim et pénalités vont de pair") ?
Alors, si doute il y a nos investigations doivent se poursuivre ! Vendredi 4 juillet, à 9h00, achatpublic invite... Nicolas Groper… Que de questions nous avons à lui poser, lors de notre de notre émission en direct !


Envoyer à un collègue
Offres d’emploi
Directeur des finances, du contrôle de gestion et de la commande publique (f/h)
- 25/06/2025
- Ville de Trappes
- 25/06/2025
- Ville de Toulon
Gestionnaire commande publique (f/h)
- 25/06/2025
- Communauté de communes Cluses-Arve et Montagnes
Nouveaux documents
TA Clermont-Ferrand 20 mai 2025 SAS Les cars du Chavanon
-
Article réservé aux abonnés
- 27/06/25
- 07h06
TA Lyon 26 mai 2025 Syndicat des architectes du Rhône Métropole
-
Article réservé aux abonnés
- 26/06/25
- 07h06
TA Paris 19 mai 2025 Société E3 Cortex
-
Article réservé aux abonnés
- 25/06/25
- 11h06
Les plus lus
[Tribune] Accords-cadres multi-attributaires : la répartition des commandes en question
-
Article réservé aux abonnés
- 19/06/25 06h06
- Pierre-Ange Zalcberg
Hiérarchisation des critères en contrat de la commande publique : une liberté parsemée de contraintes
-
Article réservé aux abonnés
- 19/06/25 06h06
- Mathieu Laugier
Confidentialité d’une offre rompue : la jurisprudence "Transdev" pas toujours applicable
-
Article réservé aux abonnés
- 24/06/25 06h06
- Mathieu Laugier
achatpublic invite... Isabelle Jégouzo : «Les missions de l'AFA ? Aider à prévenir et détecter les atteintes à la probité »
-
Article réservé aux abonnés
- 30/01/25 08h01
- Jean-Marc Joannès
Contradiction dans un DCE marché public : le candidat a sa part de responsabilité
-
Article réservé aux abonnés
- 25/06/25
- 06h06