Pouvoir adjudicateur et entité adjudicatrice : où est la frontière ?

  • 04/11/2009
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Une prochaine décision du Conseil d’Etat à propos de marchés de transports publics devrait éclairer les collectivités sur le champ de l’article 135 du code.

Erreur de conduite dans la passation des marchés de transports scolaires du Cher. Se considérant comme entité adjudicatrice, le département a utilisé la procédure négociée prévue à l’article 144 du code des marchés publics. Mais le 7 juillet, le juge des référés du TA d’Orléans a annulé la consultation. Le Conseil d’Etat pourrait bientôt confirmer ce jugement. Lors d’une audience du 28 octobre, le rapporteur public de la haute juridiction, Bertrand Dacosta, a estimé que le département n’était pas opérateur de réseau. Il restait donc soumis aux dispositions de la première partie du CMP relative aux pouvoirs adjudicateurs.

Selon l’article 135 du CMP, entrent dans le champ d’opérateur de réseau les « activités d'exploitation de réseaux destinés à fournir un service au public dans le domaine du transport par chemin de fer, tramways, trolleybus, autobus, autocar, câble ou tout système automatique, ou la mise à la disposition d'un exploitant de ces réseaux. Le service de transport est regardé comme fourni par un réseau de transport lorsqu'une autorité nationale ou territoriale compétente définit les conditions générales d'organisation du service notamment en ce qui concerne les itinéraires à suivre, la capacité de transport disponible ou la fréquence du service ». L’attribution de marchés de transports publics, telle qu’envisagée par le département du Cher entraient-il dans cette catégorie ? Visiblement non.

Exploiter un réseau

La jurisprudence EGF-BTP du 9 juillet 2007 (1) a, pour Bertrand Dacosta, distingué l’acte de dévolution de la gestion d’un réseau de transport de celui de l’exploitation du réseau. Cet acte de dévolution n’entre pas dans le champ de l’article 135. En d’autres termes, est une entité adjudicatrice une collectivité qui exploite un réseau. Lorsqu’elle confie cette exploitation à une entreprise, la collectivité reste un pouvoir adjudicateur. Dans l’affaire litigieuse, le département du Cher cherchait bien à confier à une entreprise l’exploitation du réseau, ce qui l’empêchait d’être qualifié d’opérateur de réseau… Le recours à la procédure négociée de l’article 144 était donc illégal.

Pour sa défense, la collectivité prétextait devant le Conseil d’Etat que cette illégalité n’avait pas lésé le requérant, la société Keolis Centre, puisque celle-ci avait été agréée à négocier 42 lots, avait proposé une offre pour 18 et en avait obtenu 3. Qui plus est, l’entreprise a attendu la fin de la procédure pour saisir le juge, laissant ainsi penser que si elle avait obtenu les 18 lots, sa démarche n’aurait peut-être pas été la même. Mais la jurisprudence SMIRGEOMES ne s’applique pas à ces circonstances a conclu le rapporteur public car un tel « manquement continue à produire ses effets tout au long de la procédure ». Et peu importe que le requérant ait participé à celle-ci. « Une entreprise a toujours intérêt à conclure une procédure régulière » si elle ne veut pas s’exposer au danger d’un recours ultérieur sur le fondement de la jurisprudence Tropic ou bientôt de l’ordonnance recours, a rappelé Bertrand Dacosta. Le Conseil d’Etat rendra sa décision dans quelques semaines.

(1) CE 9 juillet 2007, Syndicat EGF-BTP et autres   CE, 9 juillet 2007, SEGF-BTP, 297711 (204.02 kB)