Le comptable n’est pas juge de la légalité

  • 24/02/2012
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Deux arrêts rendus par la section du contentieux du Conseil d’Etat reviennent sur le rôle des comptables publics. La haute juridiction a rappelé que pour apprécier la validité des créances, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications. A ce titre, ils doivent vérifier que les pièces fournies un caractère suffisante, c’est-à-dire si l’ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies, et si ces pièces sont complètes, précises, cohérentes au rejet de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable. « Si ce contrôle peut conduire les comptables à porter une appréciation juridique sur les actes administratifs à l’origine de la créance et s’il leur appartient alors d’en donner une interprétation conforme à la réglementation en vigueur, ils n’ont pas le pouvoir de se faire juges de leur légalité ; lorsque les pièces justificatives fournies sont insuffisantes, il appartient aux comptables de suspendre le paiement jusqu’à ce que l’ordonnateur leur ait produit les justifications nécessaires », considère la haute juridiction.

Dans l’affaire n°342825, étaient en cause des bons de commande dont les dates étaient toutes postérieures à celles d'émission des factures correspondantes. « En reprochant au comptable de ne pas avoir suspendu le paiement des sommes litigieuses au seul motif que les bons de commande étaient d'une date postérieure à celle des factures qui se rattachaient à eux, le juge des comptes a en réalité exigé du comptable qu'il exerce un contrôle de légalité sur les pièces justificatives fournies par l'ordonnateur alors que celles-ci ne présentaient à elles seules et quelle que soit en tout état de cause leur validité juridique, ni incohérence au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable ni incohérence au regard de la nature et de l'objet de la dépense engagée ; que, dès lors, la Cour des comptes a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, par suite, son arrêt doit être annulé » (1).

L’affaire n°340698 concernait quant à elle, les contrats oraux. Le Conseil d’Etat relève que « lorsque la dépense est présentée par l'ordonnateur, sous sa seule responsabilité, sous la forme d'un marché public sans formalités préalables et que la facture produite fait état d'un montant égal ou supérieur à 4 000 euros hors taxes, sans qu'un contrat écrit ne soit produit pour justifier la dépense engagée, il appartient au comptable, […], de suspendre le paiement et de demander à l'ordonnateur la production des justifications nécessaires ; qu'en revanche, dès lors que l'ordonnateur a produit, en réponse à cette demande, un certificat administratif par lequel il déclare avoir passé un contrat oral et prend la responsabilité de l'absence de contrat écrit, il appartient au comptable, qui n'a pas à se faire juge de la légalité de la passation du marché en cause, de payer la dépense ». En l’espèce, « en fondant son arrêt sur le fait que M. A, comptable du centre communal d'action sociale de Polaincourt, s'est à tort abstenu d'exiger avant tout paiement de la dépense, dès lors que les factures présentées étaient chacune d'un montant supérieur à 4 000 euros, la production d'un contrat écrit, sans rechercher si le comptable avait demandé et obtenu de l'ordonnateur un certificat par lequel ce dernier engageait sa responsabilité en justifiant l'absence de contrat écrit, la Cour des comptes a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, dès lors, être annulé » (2).

(1) CE, 8 février 2012, 342825

(2) CE, 8 février 2012, 340698