La lettre d’achatpublic.info n°529

  • 23/01/2015
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Le 20 janvier a eu une expérience unique dans les laboratoires du Centre d’études psychopathologiques de la commande publique (CEPCP). Les chercheurs ont placé dans une cellule d’isolement un entrepreneur de travaux complètement profane en matière d’appel d’offres, José Pakendidaté. Il s’agissait de l’enfermer avec le projet de DUME, dans le but d’observer à la loupe ses réactions : apparition de céphalées de tension, éventuel ralentissement idéomoteur, troubles attentionnels et sphinctériens, etc. Pour les besoins de l’expérience, le sujet devait annoncer chaque action à voix haute. Nous avons pu nous procurer cet enregistrement. « 9 h 21, lecture du préambule : le DUME est une déclaration sur l’honneur qui vise à atténuer les lourdeurs administratives découlant de l’obligation de produire un nombre important de certificats ou d’autres documents en rapport avec les critères d’exclusion et de sélection. On les critique sans arrêt, mais ils sont sympas ces gens à Bruxelles ». Dans le procès-verbal, le CEPCP note à ce moment précis une augmentation de la sécrétion de dopamine, puis une accélération de l’activité cérébrale à 9h40 lors de la lecture du C de la partie II. « L’opérateur économique a-t-il recours aux capacités d’autres entités pour satisfaire aux critères de sélection figurant dans la partie IV et aux critères et règles le cas échéant dans la partie V ? Ils parlent d’un sous-traitant, c’est ça ? Ben oui, il y Antonio, qui m’aide pour la partie électricité.  Dans l’affirmative, veuillez fournir pour chacune des entités concernées un formulaire distinct contenant les informations demandées aux points A et B de la présente partie et à la partie III. Et dans la mesure où cela est pertinent, veuillez y inclure les informations demandées dans les parties IV et V. Dans la mesure où cela est pertinent, qu’est-ce qu’ils veulent dire par là ? » A partir de la page 10 sur les mesures d’exclusion, le CEPCP consigne une altération du rythme cardiaque, une augmentation de la sudation du sujet, ainsi que l’apparition d’un tressaillement, à intervalle régulier, de la paupière droite. « 10h34. L’opérateur économique ou une personne membre de son organe administratif, de gestion ou de surveillance ou détenant un pouvoir de représentation ont-ils fait l’objet d’une condamnation pour avoir participé à une infraction terroriste telle que définie à l’article 1er et à l’article 3 de la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil ? Qu’est-ce que c’est que ce charabia ? Bon, je coche oui : Pépé Marcel a encore des parts dans la société. Et il a été arrêté par les Allemands pour sabotage d’une voie ferrée. La date de la condamnation ? Oulala, je ne m’en souviens plus. Novembre 1943, je crois. » A l’heure du dîner, le sujet s’attaque à la question 8 du chapitre C de la partie III. « Je dois confirmer que je ne me suis pas rendu coupable de fausses déclarations. Non, je n’ai pas caché d’informations, puisque j’ai parlé de Pépé Marcel. Si c’est non, il faut sans doute que je coche oui. » Le CEPCP enregistre à 22 h 48 que le quidam est proche de la catatonie, hurlant ou murmurant en boucle : « veuillez fournir les informations pertinentes ». A deux heures du matin, survient la première crise d’épilepsie. Les pompiers sont arrivés peu après. Allez, c’est la fin de ce remake administratif de vol au-dessus d’un nid de coucous. A la semaine prochaine, peut-être.

Jean-Marc Binot