
Redressement judiciaire : la solidarité, c’est du solide
Dans un arrêt récent, le Conseil d’Etat a jugé que le mandataire d’un groupement solidaire, placé en redressement judiciaire, qui refuse de poursuivre l’exécution du contrat ne peut plus contester le décompte général signé par son ancien cocontractant. Il ne peut pas non plus demander le solde du décompte général de résiliation. Tout cela est dû au caractère solidaire de la cotraitance qui emporte transfert du mandat de représentation.
Le Conseil d’Etat, dans son arrêt du 19 mars 2012, a tranché une question inédite : quels sont les conséquences sur le règlement du marché, du placement d’une entreprise en redressement judiciaire qui a précédemment renoncé à poursuivre l’exécution du marché ? Dans l’affaire soumise à la haute juridiction, le groupement solidaire composé de la société ERAL SA, mandataire, et de la société Garrigues, s’est vu confier le lot n°4 du marché de travaux de la communauté urbaine de Lyon. Placé en redressement judiciaire, l’administrateur de la société ERAL SA, maître Sapin, a informé le maître d’ouvrage de sa décision d’interrompre l’exécution du marché (loi du 25 janvier 1985. La société Garrigues a donc achevé seule les travaux et accepté le DGD. Maître Sapin a saisi le tribunal administratif d’une demande de paiement au titre du règlement du solde du lot 4. Le TA a rejeté sa requête. En appel, la CAA de Lyon a annulé le jugement. Elle a estimé que la signature du décompte général ne fait pas obstacle la demande d’établissement du solde du décompte général de résiliation du marché. Elle a donc condamné la communauté urbaine à payer la somme réclamée. Devant le Conseil d’Etat le rapporteur public, Nicolas Boulouis, a estimé qu’en cas de groupement solidaire prévalent l’indivisibilité des relations contractuelles et l’unicité du décompte. Une procédure collective est sans incidence sur ce principe d’unicité. Pour lui, la cour a commis une erreur de droit en jugeant recevable la demande de Maître Sapin (1). Le Conseil d’Etat dans son arrêt a confirmé l’erreur de droit. En effet, conformément aux dispositions du CCAG applicable, le renoncement de la société à poursuivre l’exécution du contrat et la poursuite des travaux par la société Garrigues ont fait de cette dernière le nouveau mandataire seul habilité à présenter les projets de décompte. De plus, l’acceptation et la signature par la société Garrigues du décompte général lui ont donné le caractère définitif pour les deux membres du groupement. Cette circonstance faisait obstacle à la demande de dommages et intérêts pour retards et travaux supplémentaires présentée par Maître Sapin.
Unité de visage face à la personne publique
Sur le fond, la haute juridiction estime que la renonciation à poursuivre l’exécution des travaux fait obstacle à ce que la société ERAL demeure mandataire du groupement solidaire. Puisqu’il n’y a que deux membres dans le groupement, cette circonstance a nécessairement eu pour effet de transférer le mandat à l’autre société qui a achevé les travaux. « Pourtant le fait d’indiquer que l’entreprise ne souhaite pas poursuivre l’exécution emporte résiliation mais il faut que l’entreprise ait été mise vainement en demeure continuer, ce qui n’avait pas été fait, et la clause de solidarité permet d’échapper à une résiliation de plein droit du marché de travaux, explique maître Marie-Cécile Sarrazin, avocat au cabinet Lyon-Caen & Thiriez. La société Eral a fait part de sa volonté de ne pas poursuivre l’exécution du contrat. Selon la haute juridiction, cette circonstance n’emporte par résiliation du marché en raison de la clause de solidarité existant entre les membres du groupement, qui a pour effet de transférer le mandat sur l’autre société, ajoute-t-elle. Le marché présente une unité de visage face à la personne publique. La relation bilatérale entre le mandataire et la personne publique subsiste via l’autre cocontractant qui achève les travaux. Si la continuation du contrat emporte transfert du mandat de représentation, c’est parce que l’engagement solidaire emporte mandat de représentation mutuelle », poursuite maître Sarrazin. Il appartient donc à la seule société Garrigues d’établir le projet de décompte final, de l’accepter et de le signer. L’ancien mandataire n’est plus habilité à contester le document. Son caractère définitif est opposable à son égard quand bien même il ne lui aurait pas été notifié. Dès lors pour le Conseil d’Etat, « en l'absence de résiliation du marché et eu égard à l'acceptation sans réserves du décompte général du marché […] Me SAPIN n'est pas fondé à soutenir que le décompte accepté par la société Garrigues n'est pas opposable à la société Eral et à demander au profit de cette dernière l'établissement du solde du décompte général de résiliation de ce marché ». Marie-Cécile Sarrazin conseille aux acheteurs qui souhaitent se prémunir d’une éventuelle défaillance financière de l’un de leur cocontractant, d’indiquer que le groupement d’entreprises sera un groupement solidaire et de bien préciser l’étendue de leurs obligations à ce titre. « La solidarité permet de suppléer le risque financier et notamment l’établissement d’un décompte de résiliation partiel, qui peut s’avérer délicat en cas d’impossibilité d’individualiser les prestations. Ces précisions dans les documents contractuels permettent de sécuriser les relations. Il irait sans doute différemment en cas de groupement conjoint », observe l’avocat.
CE, 19 mars 2012, communauté urbaine de Lyon
Unité de visage face à la personne publique
Sur le fond, la haute juridiction estime que la renonciation à poursuivre l’exécution des travaux fait obstacle à ce que la société ERAL demeure mandataire du groupement solidaire. Puisqu’il n’y a que deux membres dans le groupement, cette circonstance a nécessairement eu pour effet de transférer le mandat à l’autre société qui a achevé les travaux. « Pourtant le fait d’indiquer que l’entreprise ne souhaite pas poursuivre l’exécution emporte résiliation mais il faut que l’entreprise ait été mise vainement en demeure continuer, ce qui n’avait pas été fait, et la clause de solidarité permet d’échapper à une résiliation de plein droit du marché de travaux, explique maître Marie-Cécile Sarrazin, avocat au cabinet Lyon-Caen & Thiriez. La société Eral a fait part de sa volonté de ne pas poursuivre l’exécution du contrat. Selon la haute juridiction, cette circonstance n’emporte par résiliation du marché en raison de la clause de solidarité existant entre les membres du groupement, qui a pour effet de transférer le mandat sur l’autre société, ajoute-t-elle. Le marché présente une unité de visage face à la personne publique. La relation bilatérale entre le mandataire et la personne publique subsiste via l’autre cocontractant qui achève les travaux. Si la continuation du contrat emporte transfert du mandat de représentation, c’est parce que l’engagement solidaire emporte mandat de représentation mutuelle », poursuite maître Sarrazin. Il appartient donc à la seule société Garrigues d’établir le projet de décompte final, de l’accepter et de le signer. L’ancien mandataire n’est plus habilité à contester le document. Son caractère définitif est opposable à son égard quand bien même il ne lui aurait pas été notifié. Dès lors pour le Conseil d’Etat, « en l'absence de résiliation du marché et eu égard à l'acceptation sans réserves du décompte général du marché […] Me SAPIN n'est pas fondé à soutenir que le décompte accepté par la société Garrigues n'est pas opposable à la société Eral et à demander au profit de cette dernière l'établissement du solde du décompte général de résiliation de ce marché ». Marie-Cécile Sarrazin conseille aux acheteurs qui souhaitent se prémunir d’une éventuelle défaillance financière de l’un de leur cocontractant, d’indiquer que le groupement d’entreprises sera un groupement solidaire et de bien préciser l’étendue de leurs obligations à ce titre. « La solidarité permet de suppléer le risque financier et notamment l’établissement d’un décompte de résiliation partiel, qui peut s’avérer délicat en cas d’impossibilité d’individualiser les prestations. Ces précisions dans les documents contractuels permettent de sécuriser les relations. Il irait sans doute différemment en cas de groupement conjoint », observe l’avocat.
CE, 19 mars 2012, communauté urbaine de Lyon


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