
Attestation fiscale : gare au contentieux
Le titulaire pressenti peut se retrouver le bec dans l'eau et se faire chiper le marché s'il ne produit pas les attestations URSSAF définies à la rubrique F du formulaire NOTI 1. Roseline Aubert et Nicolas Charrel, avocats au cabinet Charrel et associés, reviennent sur une ordonnance et nous donnent quelques conseils pour éviter de se prendre les pieds dans le tapis.
Les formulaires non obligatoires « d’aide » à la passation des marchés publics sont décidément des nids à embûches tant pour l’acheteur public que pour les candidats à l'attribution. Une ordonnance récente du tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion vient de le confirmer. Dans le cadre d’une consultation relative à la réhabilitation de son camping intercommunal, la communauté d’agglomération du Territoire de la Côte Ouest avait, à l’issue de l’analyse des offres, adressé à l’heureux candidat retenu le formulaire NOTI 1, lui demandant de transmettre d’une part, l’état annuel des certificats reçus (NOTI 2) et d’autre part, une attestation de fourniture de déclarations sociales datant de moins de six mois (article D.8222-5-1° a du Code du travail). L’entreprise a répondu à cette demande en produisant le formulaire d’attestation URSSAF de « versement de cotisations et de fourniture de déclarations des candidats attributaires d’un marché public- article 46 du Code des marchés publics » édité le 23 juillet 2011 et indiquant que la société était à jour de ses cotisations au 31 décembre 2010. Mal lui en prit. A l’expiration du délai imparti, l’acheteur public, soucieux de respecter scrupuleusement la lettre de l’article 46 du Code des marchés publics, décida de rejeter son offre à raison de son caractère incomplet et de retenir l’offre de son concurrent classée immédiatement après la sienne. Furieux de son éviction pour des motifs apparemment aussi singuliers, le candidat décida d’attaquer la procédure de passation du marché.
Un précédent jurisprudentiel
Mais par une ordonnance du 5 janvier 2012, le juge réunionnais donna raison à la communauté d’agglomération et confirma le bien-fondé du rejet en considérant « qu’il résulte tant des mentions figurant sur la lettre d’information au candidat retenu que de l’article 46 du Code des marchés publics que (…) deux attestations distinctes doivent être produites par le candidat retenu », l’attestation de versement de cotisations et de fournitures de déclarations des candidats attributaires d’un marché public produite par la requérante, si « elle répond à l’exigence posée par l’article 46 I 2° et vise à attester de ce que le candidat a satisfait à ses obligations sociales et fiscales au 31 décembre de l’année n-1 » (…) « ne se confond pas avec les attestations visées à l’article 46 I 1° qui visent à vérifier que tout au long de l’exécution du marché le candidat est à jour de ses obligations », la circonstance que cette attestation soit datée de moins de six mois étant « sans incidence sur sa validité ». L’attestation prévue par l’article D. 8222-5 du Code du travail « qui doit être renouvelée tous les six mois, n’est pas un état annuel contrairement aux attestations visées aux 46 I 2° » (1). Cette affaire n’est pas la première. Le tribunal administratif de Lille avait déjà eu l’occasion de sanctionner en 2010 une procédure de passation dans laquelle le candidat pressenti avait uniquement produit l’attestation URSSAF certifiant qu’il était à jour au 31 décembre de ses obligations de paiement (2). Sans ériger la solution d’espèce en décision de principe, le juge flamand avait plus sobrement considéré qu’en application de l’article 46-III du Code des marchés publics, le marché ne pouvait être légalement attribué à la société dont l’offre avait été jugée économiquement la plus avantageuse, dans la mesure où « si la commune de Grande-Synthe produit une attestation de l’URSSAF du Nord selon laquelle cette société était à jour de ses obligations de paiement au 31 décembre 2009, elle n’établit pas que celle-ci avait également produit à la date d’attribution du marché l’attestation de fourniture de déclarations sociales datant de moins de 6 mois prévue par l’article D.8222-5 du Code du travail ». Ce manquement étant susceptible d’avoir lésé la société requérante, dont l’offre « qui n’a pas été jugée inappropriée, irrégulière ou inacceptable, a été classée seconde (…) et qui a donc vocation, en application du deuxième alinéa de l’article 46-III du Code des marchés publics précité, à se voir attribuer le marché si le candidat classé en première position n’est pas en mesure de produire l’ensemble des documents exigés », les décision d’attribution et de rejet furent annulées, avec injonction de solliciter la communication, dans un délai imparti, de l’ensemble des documents exigés par l’article 46 du Code des marchés publics avant de prononcer l’attribution du marché.
L’article 46 du CMP passé à la loupe
Une lecture quelque peu attentive de l’article 46 du Code des marchés publics permet effectivement de constater que le candidat auquel il est envisagé d’attribuer le marché doit produire, outre « les attestations et certificats délivrés par les administrations et organismes compétents prouvant qu’il a satisfait à ses obligations fiscales et sociales » (article 46-I-.2°), « les pièces prévues aux articles D.8222-5 ou D.8222-7 et D.8222-8 du Code du travail » (article 46-I-1°), le Code précisant que ces « pièces sont à produire tous les six mois jusqu’à la fin de l’exécution du marché ». Concrètement, les candidats doivent donc être en mesure de produire une attestation de fourniture de déclarations sociales postérieure au 30 juin pour les marchés devant être attribués en deuxième partie d’année, la période vérifiée ne pouvant être antérieure de plus de six mois à la date de conclusion du contrat. Le caractère, il faut le reconnaître, inaperçu de cette exigence provient peut-être de son origine étrangère au droit des marchés publics: afin de lutter contre le travail illégal dissimulé, le législateur social a soumis en 2004 les donneurs d’ordre publics et privés à une obligation de vigilance, codifiée aux articles L.243-15 du Code de la sécurité sociale et D.8222-5 et suivants du Code du travail, pour toute commande d’un montant égal ou supérieur à 3.000 €, en leur imposant de contrôler lors de la conclusion du contrat et tous les six mois que leur cocontractant est bien en règle avec ses obligations sociales et ne participe pas à l’alimentation d’une filière de travail dissimulé. Ainsi, l’article D. 8222-5 du Code du Travail dispose que : « la personne qui contracte, lorsqu'elle n'est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l'article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l'article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution : 1° Une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l'article L. 243-15 émanant de l'organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s'assure de l'authenticité auprès de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale. (…) »
Une difficulté qui peut étre surmontée
Acheteurs publics et candidats à l’attribution doivent se montrer d’autant plus attentifs au respect de cette obligation, que le dispositif s’est récemment durci. Le décret n°2011-1160 du 21 novembre 2011 a renforcé les obligations des donneurs d’ordre qui auront désormais la responsabilité de s’assurer de l’authenticité de l’attestation sécurisée remise par leur cocontractant. Ainsi, depuis le 1er janvier 2012, ils devront eux-mêmes procéder à un contrôle par voie dématérialisée, téléphonique ou par courriel, auprès de l’organisme compétent de recouvrement des cotisations et contributions de sécurité sociale. Le formulaire NOTI 1 a été mis à jour pour intégrer ces modifications. Les deux affaires sont donc très certainement appelées à faire jurisprudence. Pour autant, la difficulté peut être surmontée par les candidats. En effet, il est possible d’obtenir immédiatement l’attestation de vigilance en ligne par téléchargement, sur le site de l’URSSAF, après adhésion au service. L’URSSAF permet aux entreprises d’accéder et d’imprimer elles-mêmes leurs attestations prouvant qu’elles sont à jour de leurs cotisations sociales. Il s’agit d’un service en ligne gratuit et sécurisé, sous réserve que les obligations sociales soient totalement remplies. Cette attestation est ensuite renouvelée automatiquement par l’U.R.S.S.A.F. en janvier et en juillet de chaque année. Il suffit alors pour le candidat de se connecter sur le site www.compte.urssaf.fr pour obtenir, depuis son compte professionnel, un document attestant de la régularité de sa situation à la date de sa demande d’attestation. Encore fallait-il le savoir…
(1) TA saint-Denis, 5 janvier 2012, Société La Mare Espaces verts, 1101164
(2) TA Lille, 3 décembre 2010, société SG2S, 1006632
Roseline Aubert et Nicolas Charrel
Un précédent jurisprudentiel
Mais par une ordonnance du 5 janvier 2012, le juge réunionnais donna raison à la communauté d’agglomération et confirma le bien-fondé du rejet en considérant « qu’il résulte tant des mentions figurant sur la lettre d’information au candidat retenu que de l’article 46 du Code des marchés publics que (…) deux attestations distinctes doivent être produites par le candidat retenu », l’attestation de versement de cotisations et de fournitures de déclarations des candidats attributaires d’un marché public produite par la requérante, si « elle répond à l’exigence posée par l’article 46 I 2° et vise à attester de ce que le candidat a satisfait à ses obligations sociales et fiscales au 31 décembre de l’année n-1 » (…) « ne se confond pas avec les attestations visées à l’article 46 I 1° qui visent à vérifier que tout au long de l’exécution du marché le candidat est à jour de ses obligations », la circonstance que cette attestation soit datée de moins de six mois étant « sans incidence sur sa validité ». L’attestation prévue par l’article D. 8222-5 du Code du travail « qui doit être renouvelée tous les six mois, n’est pas un état annuel contrairement aux attestations visées aux 46 I 2° » (1). Cette affaire n’est pas la première. Le tribunal administratif de Lille avait déjà eu l’occasion de sanctionner en 2010 une procédure de passation dans laquelle le candidat pressenti avait uniquement produit l’attestation URSSAF certifiant qu’il était à jour au 31 décembre de ses obligations de paiement (2). Sans ériger la solution d’espèce en décision de principe, le juge flamand avait plus sobrement considéré qu’en application de l’article 46-III du Code des marchés publics, le marché ne pouvait être légalement attribué à la société dont l’offre avait été jugée économiquement la plus avantageuse, dans la mesure où « si la commune de Grande-Synthe produit une attestation de l’URSSAF du Nord selon laquelle cette société était à jour de ses obligations de paiement au 31 décembre 2009, elle n’établit pas que celle-ci avait également produit à la date d’attribution du marché l’attestation de fourniture de déclarations sociales datant de moins de 6 mois prévue par l’article D.8222-5 du Code du travail ». Ce manquement étant susceptible d’avoir lésé la société requérante, dont l’offre « qui n’a pas été jugée inappropriée, irrégulière ou inacceptable, a été classée seconde (…) et qui a donc vocation, en application du deuxième alinéa de l’article 46-III du Code des marchés publics précité, à se voir attribuer le marché si le candidat classé en première position n’est pas en mesure de produire l’ensemble des documents exigés », les décision d’attribution et de rejet furent annulées, avec injonction de solliciter la communication, dans un délai imparti, de l’ensemble des documents exigés par l’article 46 du Code des marchés publics avant de prononcer l’attribution du marché.
L’article 46 du CMP passé à la loupe
Une lecture quelque peu attentive de l’article 46 du Code des marchés publics permet effectivement de constater que le candidat auquel il est envisagé d’attribuer le marché doit produire, outre « les attestations et certificats délivrés par les administrations et organismes compétents prouvant qu’il a satisfait à ses obligations fiscales et sociales » (article 46-I-.2°), « les pièces prévues aux articles D.8222-5 ou D.8222-7 et D.8222-8 du Code du travail » (article 46-I-1°), le Code précisant que ces « pièces sont à produire tous les six mois jusqu’à la fin de l’exécution du marché ». Concrètement, les candidats doivent donc être en mesure de produire une attestation de fourniture de déclarations sociales postérieure au 30 juin pour les marchés devant être attribués en deuxième partie d’année, la période vérifiée ne pouvant être antérieure de plus de six mois à la date de conclusion du contrat. Le caractère, il faut le reconnaître, inaperçu de cette exigence provient peut-être de son origine étrangère au droit des marchés publics: afin de lutter contre le travail illégal dissimulé, le législateur social a soumis en 2004 les donneurs d’ordre publics et privés à une obligation de vigilance, codifiée aux articles L.243-15 du Code de la sécurité sociale et D.8222-5 et suivants du Code du travail, pour toute commande d’un montant égal ou supérieur à 3.000 €, en leur imposant de contrôler lors de la conclusion du contrat et tous les six mois que leur cocontractant est bien en règle avec ses obligations sociales et ne participe pas à l’alimentation d’une filière de travail dissimulé. Ainsi, l’article D. 8222-5 du Code du Travail dispose que : « la personne qui contracte, lorsqu'elle n'est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l'article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l'article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution : 1° Une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l'article L. 243-15 émanant de l'organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s'assure de l'authenticité auprès de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale. (…) »
Une difficulté qui peut étre surmontée
Acheteurs publics et candidats à l’attribution doivent se montrer d’autant plus attentifs au respect de cette obligation, que le dispositif s’est récemment durci. Le décret n°2011-1160 du 21 novembre 2011 a renforcé les obligations des donneurs d’ordre qui auront désormais la responsabilité de s’assurer de l’authenticité de l’attestation sécurisée remise par leur cocontractant. Ainsi, depuis le 1er janvier 2012, ils devront eux-mêmes procéder à un contrôle par voie dématérialisée, téléphonique ou par courriel, auprès de l’organisme compétent de recouvrement des cotisations et contributions de sécurité sociale. Le formulaire NOTI 1 a été mis à jour pour intégrer ces modifications. Les deux affaires sont donc très certainement appelées à faire jurisprudence. Pour autant, la difficulté peut être surmontée par les candidats. En effet, il est possible d’obtenir immédiatement l’attestation de vigilance en ligne par téléchargement, sur le site de l’URSSAF, après adhésion au service. L’URSSAF permet aux entreprises d’accéder et d’imprimer elles-mêmes leurs attestations prouvant qu’elles sont à jour de leurs cotisations sociales. Il s’agit d’un service en ligne gratuit et sécurisé, sous réserve que les obligations sociales soient totalement remplies. Cette attestation est ensuite renouvelée automatiquement par l’U.R.S.S.A.F. en janvier et en juillet de chaque année. Il suffit alors pour le candidat de se connecter sur le site www.compte.urssaf.fr pour obtenir, depuis son compte professionnel, un document attestant de la régularité de sa situation à la date de sa demande d’attestation. Encore fallait-il le savoir…
(1) TA saint-Denis, 5 janvier 2012, Société La Mare Espaces verts, 1101164
(2) TA Lille, 3 décembre 2010, société SG2S, 1006632
Roseline Aubert et Nicolas Charrel


Envoyer à un collègue
Nouveaux documents
TA Orléans 2 mai 2025 Société Htracks Go
-
Article réservé aux abonnés
- 16/06/25
- 11h06
TA Toulon 30 avril 2025 Sté Geoterria
-
Article réservé aux abonnés
- 13/06/25
- 11h06
TA Paris 18 avril 2025 Sté Léni
-
Article réservé aux abonnés
- 13/06/25
- 07h06