Les PME françaises souhaitent un SBA européen

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SBA, 2ème acte. L’idée d’un Small Business Act, comme solution pour favoriser le développement des entreprises innovantes, a réapparu dernièrement dans le débat. Jean-Noël de Saint-Galzain, PDG de de la société Wallix, considère que le climat économique et politique actuel est favorable à son aboutissement. Signataire de Manifeste des PME innovantes, il milite activement pour inscrire le dispositif dans les tablettes de la loi.

achatpublic.info : Pourriez-vous nous présenter le manifeste des PME innovantes dans les TIC ?
Jean-Noël de GalzainJean-Noël de Galzain : « Le manifeste des PME innovantes  dans les TIC est un document qui propose quatre dispositifs cruciaux pour assurer la croissance des entreprises innovantes et maintenir leur investissement. Le small buisness act (SBA) fait partie des quatre dispositifs que l’on souhaite voir aboutir. Ce manifeste  est le fruit de la synthèse des consultations qui ont été menées auprès de plus de 5 000 entreprises en 2011. Il est porté par plusieurs pôles de compétitivité français, dont le pôle Systematic Paris-Région dont je suis le vice-président. »

achatpublic.info : Pourriez-vous nous expliquer le rôle et les missions des pôles de compétitivité ?
Jean-Noël de Galzain : «Il existe 71 pôles de compétitivité installés dans l’hexagone. Ces pôles réunissent sur un même territoire des PME, des grands groupes industriels, des investisseurs en capital risques et des buisness angels, ainsi que des laboratoires de recherche autour de trois missions : fabriquer de la recherche et du développement collaboratif afin de développer l’innovation, former des compétences dans les domaines d’innovation concernés,  accompagner le développement de l’écosystème et donc des PME.  Systematic est le plus important de ces 71 pôles de compétitivité français. Basé en Ile-de-France, il est spécialisé dans les TIC. Depuis 2006, 1,5 milliards d’euros cumulés d’efforts dans la recherche de services innovants ont été investis. Au sein de cette enveloppe, la participation publique, sous la forme de subventions ou d’aides remboursables, représente 300 millions d’euros. Il y a déjà beaucoup d’aides existantes en faveur des PME en France. L’important n’est donc pas de recréer des investissements pour les développer, mais d’utiliser les aides existantes à bon escient. A ce titre, nous militons pour favoriser l’accès des PME innovantes à la commande publique grâce à la mise en place d’un vrai SBA. »

achatpublic.info : La création d’un SBA n’est pas une idée nouvelle. Elle n’a pu réellement aboutir car la commission européenne s’oppose à tout droit de préférence. Votre proposition n’est-elle pas une cause perdue ?
Jean-Noël de Galzain : « Nous avons l’opportunité, compte tenu du contexte économique actuel particulièrement difficile, de faire passer des textes favorisant la croissance sur le plan européen. La situation a totalement changé en cinq ans. La crise est là, elle est gigantesque. Il est temps de défendre les entreprises européennes et françaises. Le projet de texte sur la réciprocité dans les marchés publics montre que la commission a assoupli sa position. Les déclarations des différents candidats à la présidentielle montrent également que la commande publique est un moyen d’y parvenir. On sent émerger un point de vue commun autour de la nécessité d’avoir une vision industrielle commune, de créer des filières d’innovation où les entreprises peuvent trouver des débouchés. On se rend bien compte que si les Japonais, les Allemands ou encore les Suédois ont regagné des parts de marché, c’est grâce çà leurs efforts en matière d’innovation. Et cette innovation a émergé grâce au travail collaboratif entre les PME et les groupes industriels. »

achatpublic.info : La loi de modernisation pour l’économie, qui à son article 26 prévoit  sous certaines conditions de traiter directement avec des PME innovantes, n’a-t-elle pas encouragé cet effort ?
Jean-Noël de Galzain : «Non, la LME est fort sympathique, mais elle en est restée à la déclaration d’intention. Elle n’a pas d’effets sur l’économie des entreprises innovantes. Elle n’a rien changé. Son seul intérêt, c’est d’avoir réduit les délais de paiement,  encore que l’on observe un relâchement ces derniers temps…  Sa rédaction est trop complexe, il faudrait réécrire l’article. »

achatpublic.info : Sur quels critères le SBA pourrait-il s’appliquer ?
Jean-Noël de Galzain : « Il faut amener l’Europe à favoriser les entreprises européennes par exemple en prenant en compte celles qui pratiquent la responsabilité sociale environnementale, l’emploi local, le développement de nouvelles filières. On pourrait également s’inspirer en marchés publics du système actuel qui permet, dans le cadre d’appels à projets en R&D, de faire labéliser par la DGCIS [ndlr Direction Générale de la Compétitivité, de l’Industrie et des Services] les opérations où il y a un équilibre dans la répartition des financements entre grands groupes, PME innovantes et labos de recherche.

achatpublic.info : Votre manifeste prône également le développement du pacte PME
Jean-Noël de Galzain : « Tout à fait, il faudrait que les grandes administrations soient obligées de signer le Pacte PME. Le secteur public doit comprendre que dans certains domaines, l’enjeu est national. Je pense notamment à la sécurité des données. On peut toujours acheter moins cher ailleurs. Sauf que si la commande publique achète aux concurrents étrangers, ces données capitales seront entre les mains de sociétés étrangères. Il faudrait un fonds souverain dans ce domaine très sensible. Aux Etats Unis, il y a une volonté politique pour investir dans la protection informatique grâce à des fonds souverains et au SBA. Et les champions dans l’édition informatique, ce sont les Américains. Le SBA pourrait contribuer à favoriser des relations sur le long terme avec les entreprises innovantes. Nous avons transmis nos propositions à Michel Barnier [ndlr commissaire européen au marché intérieur et services] et nous sommes prêts à aider le futur ministre de l’industrie à porter le message auprès des institutions européennes. Il y aura des discussions ouvertes sur le sujet dans le cadre du plan de mesures de relance européen. »