Empêcher à temps la signature d’un marché dont l’attribution est contestée

  • 09/10/2009
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La révision à l’été 2007 des directives « recours » a introduit, au niveau européen, un délai minimal entre la décision d’attribution d’un marché public et sa signature. Un tel délai, fixé à dix ou quinze jours selon les moyens de communication utilisés, vise à accroître les chances d’une entreprise s’estimant lésée lors de la passation d’un marché d’obtenir le lancement d’une nouvelle procédure de mise en concurrence.

Menées dès 2003, les consultations des parties intéressées sur la mise en œuvre des directives « recours »(1) ont révélé des faiblesses et des différences dans les mécanismes nationaux qui autorisent une entreprise s’estimant lésée lors de la passation d’un marché à déposer une plainte auprès d’un tribunal national en vue d’obtenir réparation. Les faiblesses décelées s’avèrent particulièrement vives à un stade où d’éventuelles violations peuvent encore être corrigées, c’est-à-dire avant la signature d’un contrat. Une fois le contrat signé, la décision d’attribution d’un marché public devient en effet pratiquement irréversible, un soumissionnaire n’étant alors en mesure que d’obtenir, bien plus tard et après une longue procédure, des dommages et intérêts. Il a été ainsi observé que l’absence d’un délai suspensif – fixé entre la décision d’attribution d’un contrat et la conclusion dudit marché – pouvait avoir comme conséquence de précipiter la signature d’un contrat.

L’Autriche condamnée

D’où la volonté du législateur européen, fort du soutien des trois quarts des opérateurs économiques consultés, de modifier les directives « recours » afin d’inscrire dans le marbre un délai minimal au cours duquel la signature d’un contrat serait interdite ou considérée comme nulle. Une manière aussi de donner à la jurisprudence européenne force de loi. Dans deux arrêts condamnant l’Autriche (affaires C-81/98 et C-212/02), la Cour européenne de justice a en effet statué que la passation d’un marché public couvert par les directives européennes devait autoriser le dépôt d’un recours avant la conclusion du contrat. Agir au niveau européen permet par ailleurs de fixer des règles harmonisées censées donner plus de garanties aux entreprises à la recherche d’opportunités au sein de l’espace européen des marchés publics. Il y a donc là une volonté d’intégration européenne qui laisse néanmoins une marge de manœuvre aux États membres désireux d’adopter – ou de maintenir – des normes nationales plus strictes.

Des situations nationales différentes

La durée du délai suspensif est fonction des moyens de communication utilisés : – dix jours calendrier au moins si la décision d’attribution du marché a été envoyée par fax ou par un moyen électronique ; – quinze jours calendrier au moins si la décision a été envoyée par un autre moyen. En France, où un délai de dix jours est déjà en vigueur, ces nouvelles dispositions ne vont pas bouleverser le paysage national de la commande publique. Même chose en Allemagne et en Autriche qui disposent d’un délai suspensif de 14 jours et aux Pays-Bas où un pouvoir adjudicateur doit patienter 15 jours avant de signer un contrat avec le soumissionnaire qu’il a retenu. En revanche, lors de la négociation du projet de directive, l’Espagne s’est montrée très réticente à l’introduction d’un délai suspensif. En 2008, la Cour européenne de justice a en effet condamné Madrid parce que la législation espagnole sur les marchés publics ne garantissait pas une période suffisante entre le moment où un contrat était attribué et le moment où celui-ci était signé. L’affaire (C-444/06) remonte à 2006 ; à l’époque la révision des directives « recours » entamait son circuit interinstitutionnel. Les autorités espagnoles soutiennent que le nouveau système national de recours, en place depuis mai 2008, est conforme à l’arrêt de la Cour. La Commission ne partage pas cet avis, particulièrement sur la question du délai suspensif. Elle vient d’ouvrir une nouvelle procédure d’infraction demandant aux autorités espagnoles de se conformer à l’arrêt de la Cour.

(1)   directive 89/665/CEE pour les marchés classiques et directive 92/13/CEE pour les secteurs spéciaux