Un régime commande publique dédié aux recours aux cabinets conseil est nécessaire, selon l’OEP

  • 06/04/2022
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L’Observatoire de l’Ethique Publique (OEP) dit partager les constats et les propositions de la commission d’enquête sénatoriale sur les cabinets conseils. Mais souhaite notamment formuler de nouvelles propositions portant sur droit positif de la commande publique qui, selon l’OEP « peut être réformé rapidement en vue d’intégrer les spécificités des contrats avec les cabinets de conseils, voire en vue de définir un droit spécial de la commande publique pour les expertises de conseils ».
Principe général : « le nouveau cadre applicable aux marchés de conseil ou d’expertise devrait reposer sur une sécurisation renforcée de l’externalisation, que ce soit en amont ou en aval de la passation de ces contrats ». Quinze propositions qui, grosso modo, tendent à rappeler l’impérieuse nécessité de respecter le B.A.-BA de la commande publique…

Cadrer la "prestation de conseil" : LE préalable
Selon l’OEP, la loi pourrait définir les marchés de conseil comme des marchés de fournitures ou de services qui ont pour objet la programmation, l’évaluation, l’expertise ou tout élément constituant le support d’une future décision administrative ou d’une réorganisation de service. « Elle ne peut en aucun cas constituer en elle-même une telle décision administrative ou de réorganisation d’un service ».
 
Evaluer en amont ? Obligatoire !
L’étude suggère de demander à l’acheteur qui envisage d’externaliser de justifier l’appel à des prestataires extérieurs en indiquant si cela est justifié par des économies ou par le manque de compétences en interne pour répondre à ce besoin. Le bilan imposé aux acheteurs devrait également préciser quel est l’objet précis du conseil demandé ; quelles sont les raisons de cette demande ; quel est le niveau technique de cette demande ; quelles sont les limites dans la capacité interne à effectuer l’expertise ;quel est le coût… « Il s’agirait donc de dispositions spécifiques qui ne concerneraient que cette catégorie de contrats au regard de leur objet ».

Définir ses besoins ? Bien sûr ! 
Selon l’OEP, un encadrement spécifique de la définition des besoins devrait être proposé pour les marchés qui portent sur des prestations de conseil.Il recommande que le code de la commande impose à l’acheteur la mention des informations suivantes :
  • la politique publique dans laquelle s’inscrit le conseil ;
  • les objectifs déjà définis par les pouvoirs publics (s’agit-il seulement de demander au cabinet de conseil de trouver les arguments pour valider une décision déjà prise ou de proposer une solution innovante ?) ;
  • les méthodes de travail et les critères d’évaluation recherchés ;
  • les impacts attendus ou envisagés sur la politique publique en termes d’effectifs administratifs, des profils de ces derniers (contractuels ou non), d’organisation des services publics, de transfert vers le privé…

Interdire​ l’accord-cadre : essentiel !
« Détournée de son objectif initial, l’utilisation la technique de l’accord-cadre peut conduire à une restriction abusive de la concurrence dans un secteur donné ». Pour l’OEP, et contrairement à la proposition de la commission d’enquête du Sénat qui souhaite rationaliser cette formule, « l’utilisation de la technique de l’accord-cadre doit être interdite par principe lorsque le contrat porte sur des prestations de conseil ou d’expertise ».

Publicité et mise en concurrence : ne pas passer outre, dès le 1er euro !
Selon l’OEP, la publicité et la mise en concurrence devraient être imposées dès le premier euro pour les marchés de prestations ou de conseil. De plus, « afin de mettre fin à une situation oligopolistique du marché de conseils, la publicité doit être considérablement renforcée. » En outre, l’obligation d’indiquer les références des précédents marchés dans lesquels l’opérateur économique a été désigné comme attributaire pourrait ainsi être intégrée dans la liste des données essentielles lorsque les marchés portent sur des prestations de conseil ou d’expertise.

Etendre l’obligation de publication des données essentielles : plus d'efficacité ! 
En matière de transparence, « il est possible de s’appuyer sur le droit "commun" de la commande publique (...). Mais la liste des données qui doivent être publiées concernent le marché en tant que tel et la procédure menée » mais vise pas à contrôler le résultat des prestations commandées. « L’outil est donc inefficace en l’état » regrette l’OEP. Il propose donc la révision de la liste de publication des données essentielles pour y ajouter les données spécifiques lorsque le marché porte sur des prestations de conseil ou d’expertise :
  • méthode retenue ;
  • effets sur le nombre d’agents publics, la mutualisation des services, la réorganisation des services ; synthèse des travaux et conclusions de l’évaluation ;
  • synthèse des propositions du prestataire.

Un CCAG dédié : pourquoi pas ?
« Il conviendrait de rédiger un nouveau CCAG spécifique pour les contrats de prestations de conseils afin de s’assurer que les prestations commandées soient à la hauteur des dépenses engagées. » Lequel CCAG devrait prévoir des règles spécifiques, parmi lesquelles :
  • des sanctions spécifiques en cas de non-exécution des prestations commandées (mais également en cas de mauvaise exécution, lorsque les prestations réalisées ne sont manifestement pas à la hauteur des moyens alloués ;
  • les conditions de résiliation et de réalisation des prestations aux frais et risques du prestataire défaillant ;
  • les conditions de publication des données essentielles de ces marchés et les délais applicables ;
  • les conditions et délais applicables d’une publication des résultats « au fil de l’eau ».

Et une pincée de pénal...
Pour l’OEP, un nouvel article 432-14-1 pourrait être intégré dans le code pénal, ainsi rédigé :

« Pour les marchés publics et autres contrats qui portent sur des prestations de conseil ou d’expertise, est puni de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 200 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction, le fait par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public ou exerçant les fonctions de représentant, administrateur ou agent de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, des sociétés d'économie mixte d'intérêt national chargées d'une mission de service public et des sociétés d'économie mixte locales ou par toute personne agissant pour le compte de l'une de celles susmentionnées de favoriser un recours abusif à l’externalisation.
Doivent notamment être considérés comme abusifs les recours à l’externalisation qui ne reposent pas sur une évaluation préalable et sur une étude d’impact correctement établies ; ceux qui ne fixent pas des exigences minimales s’agissant des prestations à réaliser ; ceux décidés par des personnes se trouvant en situation de conflit d’intérêts ou ne répondant pas aux principes déontologiques définies dans la loi du 13 juillet 1983 ; ceux ayant été décidés par des personnes dont les situations de pantouflages ou celles de rétropantouflages n’ont pas été contrôlés au préalable par la HATVP alors que la loi l’impose ; ou encore ceux pour lesquels la personne publique renonce à exercer son pouvoir de sanction en cas de manquements du cocontractant à ses obligations
»



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JMJ