Injonctions contradictoires et forces contraires

  • 17/05/2019
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« Mutualisation des services » Une expression très à la mode, il y a quelques années, lorsqu’il s’agissait, avec les lois « Maptam » et « Notre » de revoir l’organisation de la carte administrative et l’exercice des compétences entre collectivités territoriales et intercos. Un peu comme la révision générale des politiques publiques (RGPP), quelques années auparavant. A cette différence près que, contrairement à la RGPP, la mutualisation des services n’aurait pas, en principe, pour objectif de générer des économies, mais plutôt de rationaliser pour plus d’efficacité. Autrement dit, la mutualisation, elle, ne serait pas motivée par la réduction des effectifs. Il s’agirait de « supprimer les actions redondantes », sans arrière pensée de réduction ou suppression de services.
 

L'efficience

C’est dans ce souci de recherche d’efficience que le conseil départemental du Var affirme avoir réorganisé son service Achat (Lire notre article). Avec pour avantage, aussi, de pouvoir réaliser une cartographie des achats (un outil juridique et économique : lire notre article dédié). Notre enquête (le terme "enquête"est choisi : l’article montre les différentes facettes d’un même fait) montre que sur le terrain, la mutualisation d’un service n’est pas nécessairement vécue par tous comme la seule recherche de l’efficacité par la rationalisation….
A vrai dire, le principe même de mutualisation d’un service Achat pousse particulièrement à la réflexion.
 

La proximité

D’abord, on peut s’interroger sur le rapport entre concentration de plusieurs services Achat et éloignement du « terrain ». A l’heure, notamment, où la tendance serait plutôt (mais dans le respect du droit de la commande publique, bien sûr !) à favoriser la commande publique locale… Mutualisation des services et achat local ne sont-ils pas antinomiques ?
En janvier 2015, le rapport des inspections générales des finances et de l’administration sur « Les mutualisations au sein du bloc communal » pointait la nécessité de renforcer la mutualisation en matière d’achat public au sein du bloc communal, la fonction « support achat » y étant, selon les auteurs, insuffisamment structurée et professionnalisée (une affirmation que l’OCDE a sans doute repris à son compte : lire notre article : Les quatre remèdes du bon Docteur OCDE).
 

Le besoin

Deuxième reflexion : la mutualisation des services Achat respecte-t-elle le sacro-saint principe de définition des besoins ? La difficulté à rassembler les acteurs sur la définition même d’une stratégie d’achat commune et partagée est sans doute réelle. Encore que, tout est relatif : dans son rapport, l’OCDE (toujours elle !) considère que "l’UGAP, la principale centrale d'achats publics en France, est relativement modeste" (lire notre article : L’OCDE distribue les bons et les mauvais points à la commande publique française).
 

Le choix

Pourtant, la massification des achats en France poursuit son chemin, notamment, encore récemment, en matière d’achat de médicaments (lire notre article : Le GCS Pharma-Hauts-de-France mise sur UniHA). Ce, sans pour autant nier l’importance de la « proximité terrain », comme en témoigne la création d’un réseau d'"ambassadeurs régionaux".
L’achat public est bien à l’heure de choix politiques. Un carrefour très étrange : tous les panneaux indiquent une seule destination : l’efficacité. Mais les cheminements qu’ils proposent sont bien différents...
Jean-Marc Joannès