Paiement direct du sous-traitant jusqu’au DGD
L’affaire opposant la société Colas Ile-de-France Normandie à la commune de Vivier-au-Court peut être considérée comme un cas d’école. Le sous-traitant n’a pas envoyé la facture au maître d’ouvrage au moment d’être rémunéré, le titulaire a transmis une attestation de paiement erronée au détriment du sous-traitant et la commune ne souhaite pas lui verser la différence. Les juridictions du fond ont jugé l’obligation de payer sérieusement contestable. Résultat, l’affaire a fini devant le Conseil d’Etat qui a eu une approche différente.
La CAA se cantonne aux exigences de l’article 136
Le sous-traitant régulièrement agréé a droit au paiement de ses prestations directement par le pouvoir adjudicateur. Il adresse sa demande d’une part au titulaire et d’autre part à l’acheteur accompagnée des copies des factures envoyées au titulaire et de la preuve de leurs réceptions (article 136 du décret relatif aux marchés publics). En l’espèce le sous-traitant avait transmis uniquement à la société Lesueur TP la facture d’un montant de 230 324,90 euros. De son côté, la commune avait reçu au moment du versement uniquement l’attestation de paiement direct de 126 762, 67 euros communiquée par le titulaire. Pour la cour administrative d’appel (CAA) de Nancy (arrêt du 12 avril 2017), la vérification du bien-fondé de la répartition des prestations lors du paiement n’a pu être possible car ni la facture, ni le détail de cette répartition n’ont été communiqués au maître d’œuvre et au maître d’ouvrage. Or, aucune disposition n’impose au maître d’ouvrage d’exiger la communication des factures. De plus, elle ne tient pas compte de l’analyse du bureau d’études en charge de l’ordonnancement, du pilotage et de la coordination de l’opération démontrant l’inexactitude du montant réalisé par le titulaire. La juridiction du second degré reste cantonnée aux exigences de l’article 136, à savoir la transmission de la facture, pour ne pas reconnaître le caractère sérieux de l’obligation et ainsi écarter la prétention du requérant.
La primauté du droit au paiement direct sur ses modalités de mise en œuvre
A la différence de la CAA, le Conseil d’Etat fonde son raisonnement en se rattachant sur le principe même du droit au paiement direct pour le sous-traitant. « La circonstance que le maître d’ouvrage avait déjà procédé au règlement des prestations effectuées par le sous-traitant en les attribuant en partie au titulaire ne le libérait pas de son obligation de payer directement la société Colas IDFN ». Le maître d’ouvrage doit donc se retourner contre son titulaire pour récupérer le trop-perçu. Néanmoins la demande de paiement doit être transmise dans les délais. Si elle est adressée avant l’établissement du décompte général et définitif (DGD) du marché, elle doit être regardée comme ayant été effectuée en temps utile. Dans l’hypothèse où le DGD est adopté : « son établissement ne saurait faire obstacle à ce qu'il soit ordonné au maître d’ouvrage de verser à un sous-traitant une provision au titre d'une obligation non sérieusement contestable lui incombant dans le cadre de l’exécution du marché, dès lors que la demande de paiement direct lui est parvenue en temps utile » déclare la haute juridiction dans cet arrêt. Dans les faits, la commune ne peut donc soutenir qu’en raison du caractère définitif du décompte, la requête de la société Colas est irrecevable. Le Conseil d’Etat se réfère également à l’analyse du bureau d’étude relevant l’inexactitude du montant. Il conclut donc que l’obligation de payer dont se prévaut le sous-traitant à l’égard de la commune n’est pas sérieusement contestable. S’agissant de l’encaissement du double acompte par la société Colas IDFN, la haute juridiction déduit le versement erroné de 25 840,78 euros du montant de la provision accordée à 103 562,23 euros.
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