Information des candidats évincés et MAPA : la loi de 1979 hors champ

  • 18/05/2012
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Etienne Colson, avocat au cabinet Bignon et Lebray, et Daniel Guilmain, avocat au barreau de Lille, s'attardent sur la question de l’application de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs aux marchés passés selon une procédure adaptée. Pour eux, les décisions de rejet des candidatures et des offres en MAPA sont exclues du champ d’application de la loi.

Etienne ColsonLes ressorts de la question de l’information des candidats évincés sont décidément sans limite, ou peu s'en faut. Sans même en évoquer le contenu (encore incertain), on s'interrogera sur la base légale d'une telle notion, s'agissant précisément des MAPA. En la matière, l'affaire paraissait entendue. L’arrêt « Grand Port maritime du Havre » (GPMH) avait épuisé le débat en tirant du seul article 80 du CMP ce que l’on craignait d’y lire : l’exclusion des MAPA de tout processus d’information ([CE 19 janvier 2...]). Trois certitudes en résultaient. D’abord, les candidats malheureux à une telle procédure pouvaient demeurer ignorants des motifs de leur infortune. Ensuite, nul délai de « standstill » ne s’imposant à l’acheteur public, le marché était susceptible d’être signé sitôt son attribution. Exit donc « le délai raisonnable » que certains tribunaux avaient naguère consacré ([TA Nantes, 31 m...]). Une cour administrative d’appel avait même considéré, avant même qu’un tel délai ne soit prévu par le CMP, qu’un « délai raisonnable » devait être observé afin de permettre aux concurrents évincés de saisir le juge du référé précontractuel, s’agissant d’une garantie jugée « substantielle » ([CAA Bordeaux 14...]). Enfin, la porte du référé précontractuel se refermait virtuellement sur les candidats aux MAPA, alors même qu’ils trouvaient celle du référé contractuel pratiquement close, en raison des rares irrégularités qu’une telle procédure sanctionne (précisément, celles prévues par l’article L.511-18 du CJA, à l’exception, bien entendu, de la violation du délai de standstill). Restait une inconnue : l’article 83 du CMP était-il, quant à lui, applicable aux MAPA ? On pouvait en douter car, à s’en tenir à la lettre d’un tel article, il n’est d’article 83 que pour pallier l’omission par l’acheteur de l’article 80. Cependant, telle ne semble pas la position du juge administratif ([CAA Marseille, ...]) comme de la doctrine ministérielle ([Réponse du Mini...]).

Quid de l’information des candidats évincés en MAPA

Daniel GuilmainOn en était là de ces considérations sur la question des droits des candidats évincés de procédures adaptées, quand les CAA de Marseille et de Bordeaux vinrent semer le trouble et montrer par là une certaine résistance à l’arrêt GPMH. Sur toute chose, rappelèrent-elles, les MAPA sont régis par l’article 1er II du CMP. Par suite, même en procédure adaptée, les principes qu’il énonce (liberté d'accès à la commande publique, égalité de traitement des candidats et transparence des procédures) imposent « à la personne responsable du marché d'informer les candidats évincés du rejet de leur candidature ou de leur offre afin de permettre aux intéressés, éventuellement, de contester le rejet qui leur est opposé » ([CAA Marseille, ...]). L'analyse des juges d'appel ne manque pas de vérité, car si l’article 80 du CMP exclut les MAPA, l’article 1er II vise tous le marchés, sans acception de montants ni de procédures. Reste qu’à notre connaissance, cette apparente contradiction n’a pas été levée par le Conseil d’Etat. Mieux, si l’on ose dire, et comme le rappellent justement deux glossateurs de l’arrêt « GPMH », « ni le Conseil d'État, ni le rapporteur public ne semblent avoir estimé que ces principes –i.e l’article 1er du CMP et la jurisprudence  « Telaustria » - puissent justifier la création prétorienne d'un délai de stand still pour les MAPA » ([Cyrille Bardon ...]). Interrogé dans ces colonnes, le 28 juillet 2011, Rémy Schwartz, président de la 7ème sous-section du Conseil d’Etat, ne dit pas autre chose. A la question suivante : « Un certain nombre de nos lecteurs nous ont alertés sur la question de la non-application de l’obligation de stand still dans les Mapa. Est-ce en phase avec la directive recours ? Même dans le cas des marchés de travaux jusqu’à 4,8 millions d’euros ». Le conseiller d’Etat répond : « Oui. L’article 80 du Code ne s’applique pas. Donc aucun délai suspensif entre la communication de la décision d'attribution du marché et la signature de ce dernier n’est obligatoire. Et, dès lors, la voie de recours du référé précontractuel, qui permet de contester en temps utile la méconnaissance par un pouvoir adjudicateur de ses obligations en matière de publicité et de mise en concurrence, est donc très difficile à mettre en œuvre, dès lors que les candidats intéressés ne sont pas informés de la signature à venir du contrat alors même que la voie du référé contractuel est fermée sauf cas tout à fait exceptionnel. C’est la règle. Le Conseil d’Etat ne peut pas aller contre le texte. »

Les MAPA exclus de la loi de 1979

Les opérateurs économiques doivent donc se faire une raison : aux yeux de la Haute Assemblée, aucun texte ([Pas même, sembl...]) non plus qu’aucune décision juridictionnelle n’imposent, à ce jour, aux acheteurs publics de les tenir informés du rejet de leur offre dans le cadre d’un MAPA. Et, sous ce rapport, l’invocation par certains auteurs de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public nous paraît vaine ([V. Jérôme Micho...]). Contrairement à ce qui est prétendu, la loi du 11 juillet 1979 n’implique pas que l’ensemble des décisions individuelles défavorables doivent être motivées. L’article 1er de cette loi exige, en réalité, la motivation des seules décisions qu’il énumère. A lire attentivement ce texte, il est patent que la décision de rejet d’une candidature ou d’une offre dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public n’entre dans aucune catégorie des décisions qu’il vise. La jurisprudence est, sur ce point, constante. Elle vise les marchés publics à procédure adaptée ([CAA Lyon, 5 avr...]) comme les délégations de service public ([CAA Marseille, ...]). De cette bouteille à l’encre qu’est, pour l’heure, le droit à l’information des candidats évincés à un MAPA, une certitude s’extrait néanmoins : la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 n’y trouve aucun empire. On ne s’en étonnera pas. A l’instar de l’article 80 du CMP, les termes de la loi de 1979 sont dépourvus d’ambiguïté. Les décisions de rejet des candidatures et des offres en MAPA en sont exclues. Au demeurant, il n’est même pas obligatoire qu’une telle décision soit notifiée. Passé cette maigre certitude, on nous concèdera que l’essentiel est ailleurs. Dans ces questions, nous semble-t-il : en ne leur ménageant aucun droit à l’information en cas d’insuccès, notre Droit prive les candidats à un MAPA du seul mode de contestation adapté à la vie d’une entreprise moderne : le référé précontractuel. On comprend bien que le temps est à la sécurisation (protection ?) des procédures contractuelles. Considérant, toutefois, l’importance déterminante, pour ne pas dire cruciale, des MAPA dans la commande publique, notamment des collectivités locales, peut-on s’en satisfaire ? Et, alors qu’on met en avant l’exigence de recours efficaces, combien de temps cette situation peut-elle perdurer ?

Etienne Colson et Daniel Guilmain