Une société ne peut pas déclencher un contentieux au nom de sa filiale

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Le juge du référé précontractuel a, par une ordonnance récente, considéré qu’une société mère, détentrice à 100% de sa filiale, n’a pas d’intérêt à agir pour contester une procédure, auquel sa filiale a participé. Se rendant compte de l’erreur commise, l'entreprise a introduit un second recours, sans succès.

Deux référés précontractuels engagés en même temps contre une même procédure : l’un par la société mère, non candidate à la procédure lancée par la région PACA pour un marché relatif à la location longue durée de véhicules motorisés, l’autre par sa filiale à 100%, candidate au marché. Le premier recours a donné lieu à un rejet bien naturel pour irrecevabilité, la holding ne disposant pas d’un intérêt à agir. « En matière d’intérêt à agir, l’article L.551-10 du CJA dispose expressément que « les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué », rappelle Maître David Taron, avocat au cabinet Baron. La société mère n’a donc pas à conclure le contrat puisqu’elle n’était pas partie à la procédure ». Dans son ordonnance, le magistrat a estimé que « la société requérante n’a présenté ni candidature ni offre en vue de l’attribution du marché ni n’allègue en avoir été empêchée par le fait du pouvoir adjudicateur ; que, par suite, la société Act Finances SAS ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, au sens des dispositions de l’article L.551-10 du CJA ». Selon l’avocat, cette ordonnance s’inscrit dans un courant jurisprudentiel assez constant selon lequel, seuls sont recevables à agir les sociétés ayant vocation à exécuter personnellement les prestations incluses dans le marché. Toutefois en raison des liens capitalistiques entre les deux sociétés, le juge aurait-il pu avoir une appréciation moins stricte de l’intérêt à agir ?

Une appréciation de l’intérêt à agir incontestable

« Entre la holding et la filiale, il y a une communauté de dirigeants. Cette situation particulière aurait pu amener le juge à avoir une conception plus large de l’intérêt à agir. D’autant que si la société avait obtenu le marché, la rémunération aurait été au finale perçue par la société mère. Elle aurait donc pu être lésée par le rejet de l’offre de sa filiale », précise maître Taron. Mais le juge s’est tenu à la lettre des dispositions du CJA. D’ailleurs il précise dans son ordonnance que « la circonstance que l’une de ses filiales a participé à la consultation ne lui procure pas davantage un tel intérêt ». Maître Romain Granjon, avocat au cabinet Adamas, reconnaît que la solution rendue par le juge est incontestable et qu’une société-mère ne peut introduire un référé précontractuel à l’encontre d’une procédure à laquelle elle n’a pas participée. Toutefois, cette dernière a été induite en erreur par la région PACA. En effet, le département a notifié le courrier de rejet de l’offre non à la société candidate, mais à la holding. Ceci explique cela… Pour pallier cette maladresse, l’entreprise candidate, la société Agir Cargo, a dans la foulée introduit un autre référé précontractuel. Sa démarche n’a pas été récompensée. Le juge a, par une seconde ordonnance, rejeté son recours. Il a notamment considéré que la région avait déclaré à bon droit son offre non conforme aux caractéristiques techniques imposées par le CCTP pour une certaine catégorie de véhicules. En effet, la puissance fiscale requise devait être comprise entre 8 et 10 chevaux, or la société a proposé des véhicules d’une puissance fiscale moindre de 7 chevaux fiscaux. Même si ces véhicules moins puissants sont moins polluants, il n’en reste pas moins que l’offre n’était pas conforme.

TA Marseille, 28 juin 2012, société Act Finances SAS, 1203862

TA Marseille, 9 juillet 2012, société Agir Cargo, 1204093