
L’indépendance de l’architecture menacée ?
Le métier d’architecte serait confronté aujourd’hui à un ensemble de dérives qui ferait courir des risques à l’indépendance de la profession et à la qualité de l’environnement. Le gouvernement a en effet pris par ordonnance certaines mesures permettant de déroger au code des marchés publics et à la loi MOP. D’après les professionnels du secteur, la procédure de conception-réalisation, mais aussi le partenariat public-privé ne feraient pas bon ménage avec l’architecture.

En 2003, l’architecte Mirela Constantin appelle à la mobilisation de sa profession pour préserver l’indépendance de la maîtrise d’œuvre . D’après elle « même si la mécanique du PPP s’inscrit dans une logique de simplification des procédures administratives pour rendre un meilleur service aux citoyens, il ne faut pas ignorer ses effets négatifs prévisibles sur la qualité de notre environnement, que les citoyens seront les premiers à subir ». Les contrats PPP envisagent l’association de la maîtrise d’œuvre à l’entreprise dans un même groupement lié contractuellement. L’entreprise étant dans ce schémas le donneur d’ordres. La maîtrise d’œuvre se trouve donc dans une position de dépendance vis-à-vis de l’entreprise. Or, poursuit Mirela Constantin « l’architecte au sein de la maîtrise d’œuvre offre une prestation intellectuelle, une réflexion urbaine, des idées pour une construction qui doit s’inscrire dans son contexte urbain, une conception globale sur la volumétrie, les vues, les espaces, les matières, les textures, les couleurs, etc. La maîtrise d'oeuvre veille ensuite durant le chantier à la conformité des travaux. En revanche, l’entreprise s’investit dans une prestation commerciale. Elle vend des installations et des matériaux mis en œuvre, après une réflexion pour optimiser le coût de construction, avec un objectif normal de réaliser un profit maximum. Il en résulte un conflit d’intérêt entre : la démarche intellectuelle de l’architecte en faveur de l’architecture et de l’urbain, d’intérêt général public et la démarche commerciale de l’entreprise visant légitimement l'optimisation de son profit financier (intérêt privé) ». La représentante de la profession précise que « les architectes, comme les médecins ou les avocats, suivent la déontologie d’une profession indépendante. Il est insensé de les obliger à ne plus la respecter. Pour la poursuite de l’amélioration de la qualité de notre environnement, l’architecte et la maîtrise d'oeuvre doivent rester neutres et indépendants, pour rendre un service aux citoyens sans être soumis à la pression économique de l’entreprise ». Une position qui exprime clairement la volonté de la profession de sauvegarder l’équilibre général du triangle maîtrise d’œuvre, maîtrise d’ouvrage et entreprise afin garantir « la qualité de l’environnement ».
Valoriser le critère architecture lors de l’examen des offres
Mais les architectes dans leur globalité ne sont pas non plus satisfaits de la procédure de conception-réalisation. Cette possibilité favoriserait selon eux la dévolution de la commande publique à des entreprises mandataires avec maîtrise d’œuvre intégrée, effaçant ainsi la phase de conception indépendante. Les architectes Olivier Boyer Chammard et Denis Dessus indiquaient à l’occasion du dernier Salon des maires que la déréglementation et l’ouverture de nouvelles procédures telles les BEH, PPP, BEA mais aussi les procédures de conceptions-réalisations « allaient accélérer l’enchérissement des coûts de la construction». Ils s’étonnaient par ailleurs que l’on puisse comparer des choses non comparables, avec souvent pour unique critère le prix « la recherche quasi systématique du moins disant ne peut pas coller avec les intérêts de l’architecture ». Dans le livre blanc des architectes (2), la profession a voulu attirer l’attention des pouvoirs publics sur les nombreuses conséquences de ce type de pratiques. Elle met en exergue les risques de dérives financières ; la réduction de la maîtrise de la fiabilité, de la durabilité et de la sécurité des constructions (à cause de la compression des délais) ; la dépendance de la maîtrise d’ouvrage publique face à une concurrence et des choix de plus en plus restreints (le BTP étant dominés par un très petit nombre de « majors ») ; l’inéluctable déstructurations du tissu économique du bâtiment, et les coûts in fine plus élevés pour le contribuable. La solution ? Que lors de l’examen des offres, le critère « architecture » soit valorisé par rapport aux critères financiers et que les architectes indépendants éclairent le maître d’ouvrage sur la qualité des projets lors de cet examen.
(2) Consulter le livre blanc des architectes : www.architectes.org/partie.php?partie_id=4&rubrique_id=66&ssrubrique_id=219


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