Transparence et constance, intangibilité et confidentialité : les règles à respecter pour jouer le jeu

  • 01/03/2006
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Transparence et constance des règles du jeu, respect de la confidentialité et de l’intangibilité des offres, traçabilité : tels sont les grands principes directeurs qui doivent guider les acheteurs. C’est à ce prix que l’on peut mener une bonne négociation sans enfreindre les sacro-saints principes fondateurs de la commande publique. Plusieurs spécialistes des contrats publics et fins connaisseurs de l’art de négocier détaillent ces préceptes. Comme nous l’avons dit précédemment (1), toute négociation digne de ce nom doit se préparer bien avant que les tractations proprement dites ne commencent. Ce travail préparatoire conditionne en grande partie les éléments négociables et intangibles du marché en préparation et, par voie de conséquence, la rédaction du règlement de consultation. Si la négociation se focalise encore trop souvent sur le prix, c’est parce que « les acheteurs ne savent pas comment le prix d’un produit ou d’un service est structuré », estime Xavier Gandiol, en charge des études réglementaires pour le contrôle général des armées et formateur en achat public. Pour commencer, le besoin recherché par la personne publique doit être précisément défini car « l’objet du marché et ses caractéristiques principales ne doivent pas bouger après les tours de négociation », prévient-il. Il faut savoir ce que l’on veut dès le départ : « si un acheteur annonce dans le RC qu’il veut acheter des photocopieuses, puis décide à l’issue des négociations de les louer parce qu’on lui a fait une offre très intéressante et que cette solution s’avère finalement plus pertinente, il risque le contentieux », alerte cet ancien acheteur de la DGA. Cela changerait en effet les règles du jeu.Livrer une information identique à tousToute négociation doit être encadrée : « il faut expliquer clairement aux entreprises ce que l’on va faire, ce que l’on va négocier », souligne-t-il. Le règlement de consultation doit donc indiquer d’emblée le nombre éventuel de tours de négociation, la durée des échanges, sous quelle forme ils auront lieu, les personnes habilitées à participer aux rencontres, etc. Un agent a tout à fait le droit de discuter avec un nombre restreint de candidats s’il le souhaite, dès lors qu’il l’a clairement affiché dans le RC : « il devra alors mentionner les critères de sélection des meilleures offres », précise Xavier Gandiol. Est-il pertinent de fixer dès le départ le nombre de candidats admis à négocier ? Sur ce point, le formateur conseille d’écrire dans le RC que « seules les offres les mieux classées seront retenues, ce classement étant établi selon les critères de classement des offres définis dans le dossier de consultation ». Cela permet ainsi de se concentrer sur les propositions les plus intéressantes et d’éviter de perdre trop de temps. Que faire si les offres sont toutes très proches les unes des autres ? « On peut organiser un nouveau tour de table pour les départager. Le plus important, c’est que les entreprises sachent à quel moment la négociation se termine et quelle sera la dernière offre qu’elles transmettent », renchérit-il. Christian Debiève, consultant pour Cairn Conseil et responsable de la filière achat public et l’IEP de Lyon, suggère, pour sa part, de figer les éléments intangibles de l’achat sur une grille : il faut figer les certitudes et négocier les doutes », résume-t-ilNégocier avec chaque société séparémentLa plupart des spécialistes de la négociation conseillent aux acheteurs de négocier société par société afin de préserver la confidentialité des offres. A titre d’illustration, il est interdit de citer le nom d’un fournisseur qui fait une offre plus intéressante à un concurrent, pendant l’entretien, et donner son prix. L’acheteur doit s’en tenir à une formule du genre : « des candidats ont présenté une offre financièrement plus intéressante que la vôtre ». Pour éviter de divulguer des secrets de fabrication, Yves-René Guillou, avocat et spécialiste des contrats publics, préconise de demander aux entreprises ce qu’elles entendent protéger dès le début des entretiens. Si une société demande des renseignements complémentaires pour établir son offre, il est alors souhaitable - dans la mesure du possible - de diffuser à tous les participants les réponses aux questions posées, dès lors qu’elles sont susceptibles d’avoir un impact sur la compréhension du besoin à satisfaire. Yves-René Guillou estime par ailleurs nécessaire d’éradiquer les marques, les références trop précises à une gamme de produit, et plus largement toute précision qui pourrait avoir comme conséquence de privilégier une offre par rapport à une autre (2). Enfin, on ne saurait trop recommander d’établir une fiche, même sommaire, des entretiens qui résument le résultat de chaque négociation, chaque fois que c’est possible. Pour Xavier Gandiol, le travail de traçabilité, qui répond au respect de la réglementation, a pour avantage d’indiquer noir sur blanc les gains que la négociation a générés : « faire un compte-rendu des échanges avec les fournisseurs permet d’enregistrer ce qu’il s’est dit pendant la rencontre », conclut-il. Ces quelques règles de bases ainsi respectées, l’acheteur peut se jeter dans le bain de la négociation l’esprit tranquille.