Planifier l’urgence : mission tout à fait possible

  • 05/07/2006

Concilier l’imprévu et la planification, c’est tout à fait possible. Telle est l’opinion des responsables des achats interrogés : invoquer l’urgence pour justifier certains dérapages procéduraux est un mauvais prétexte selon eux. S’il est possible de dépasser cette gageure, il en est une autre qui n’est pas toujours facile d’éviter : celle d’assurer le juste besoin en prenant compte des exigences des sapeurs-pompiers sans faire déraper les finances, dans un secteur d’une grande technicité où la sécurité des soldats du feu est bien évidemment primordiale.

La commande publique dans l'univers des sapeurs-pompiers, c'est un peu deux cultures qui s'affrontent : celle de l'instantané, de la réactivité, avec celle de la programmation et de l'anticipation. De fait, s'il est un secteur qui est continuellement dominé par l'urgence, c'est bien celui des secours. Est-il alors possible, dans ce contexte, de marier harmonieusement ces deux antagonismes ? Oui, répondent plusieurs responsables des achats qui, à l'unanimité, estiment qu'il n'y a pas de problème d'urgence dès lors que l'on réalise une bonne expression des besoins en amont : " pour respecter la réglementation, il faut anticiper et programmer. Beaucoup de SDIS, au nom de la culture de l'urgence, se font déborder et se laissent un peu aller concernant le respect des procédures ", juge Michel Crahès, le responsable des achats au sein du SDIS des Alpes-Maritimes. " Mais la plupart des besoins sont répétitifs dans notre secteur d'activité. Il faut donc réserver l'urgence à l'urgence, même s'il arrive quelques fois que l'on ne puisse pas planifier certains achats. Je pense notamment aux stocks de masques qu'il a fallu constituer pour faire face au risque de grippe aviaire cette année ", poursuit-il.


Prévoir l'imprévu

Marc Falize, chef de la commande publique pour le SDIS des Hautes Pyrénées et président de l'AACT (Association des acheteurs dans les collectivités territoriales), rejoint dans les grandes lignes le point de vue de son homologue azuréen : " La part d'aléas est plus grande dans un SDIS. Les besoins évoluent d'un mois à l'autre et l'on ne peut pas être toujours aussi réactif qu'on le souhaiterait avec les contraintes liées au code des marchés publics. Mais, dans la mesure du possible, un bon acheteur doit pouvoir prévoir ce qui est aléatoire, grâce notamment aux achats à bons de commande ", avance-t-il. Dans un domaine aussi pointu que celui des services d'incendie et de secours, le prix est rarement le premier critère de choix : " c'est la valeur technique qui prime. Elle représente chez nous 40% du poids dans la balance ", annonce Marc Falize. Des divergences de vue sur les choix opérés entre les " soldats du feu " et les responsables des achats ne sont pas rares et il arrive que ces derniers soient considérés comme des empêcheurs de tourner en rond : " C'est parfois dur de faire partager son avis sur l'intérêt d'un produit plutôt qu'un autre. Il arrive qu'un achat fasse l'objet d'un rejet de la part des utilisateurs ", concède le colonel Didier Paris. " Les sapeurs-pompiers sont de grands enfants. Ils veulent avoir le plus beau camion. Il faut savoir appliquer le principe de la juste qualité ", répond Marc Falize.


Savoir écouter

Pour tenter de répondre au mieux aux attentes des utilisateurs, tous préconisent l'écoute, la patience et une bonne dose de psychologie, sans oublier de dialoguer avec les pompiers en amont d'une acquisition pour définir avec eux leurs besoins, au meilleur rapport qualité prix. Les services techniques ne sont d'ailleurs jamais bien loin des services administratifs pour faire entendre leur voix et rendre leurs préconisations. " Certains SDIS ont très peu de personnel administratif. Beaucoup de pompiers occupent des fonctions hors rang dont celle des achats ", mentionne Michel Crahès. Pour ce spécialiste, tout comme pour Marc Falize, il est indispensable d'organiser des campagnes de tests des fournitures et des équipements, dans le cadre des consultations, et de demander des échantillons : " Au SDIS des Hautes Pyrénées, une commission teste systématiquement les vêtements pendant trois semaines. Ainsi, on obtient des rapports très étayés sur les produits. Ce n'est qu'en les mettant à l'épreuve que l'on peut se rendre compte, pour une veste d'intervention par exemple, que les futurs utilisateurs ne respirent pas bien dedans ", commente Marc Falize. Dans les Alpes-Maritimes, sapeurs-pompiers et services gestionnaires sont en contacts fréquents grâce à un système de workflow qui permet de faciliter les échanges. " Le service des achats doit être à la disposition de ses clients internes, les pompiers. C'est à lui de s'adapter ", conclut un acheteur.