
Prestations allégées : un dispositif simplifié qui n’a de simplifié que le nom ?
Bien loin de faciliter les choses, les nouvelles dispositions relatives aux prestations allégées, qui reposent sur des obligations simplifiées de publicité, entraînent les collectivités sur le terrain glissant du contentieux et risquent de les pousser à un formalisme excessif. Telle est l’opinion de Patrick Loquet, maître de conférence en droit à l’université de Valenciennes et directeur du réseau 21. Il œuvre activement pour qu’une proposition de loi modifie l’article 30.

Serait-ce la chronique d’une mort annoncée que nous sommes en train de suivre à propos de l’actuel article 30 du code des marchés publics relatif aux prestations allégées ? Patrick Loquet, maître de conférence en droit à l’université de Valenciennes et directeur du réseau 21, un réseau spécialisé dans l’économie sociale et solidaire, s’y emploie. En collaboration avec de nombreuses associations travaillant dans ce domaine, parmi lesquelles on compte « Chantier école » ou « Alliance Ville Emploi », il inonde depuis le mois de juillet les députés et les sénateurs de courriers leur expliquant les désastreuses conséquences de l’actuel article 30 pour le secteur de l’économie sociale et solidaire.
Le conseil national de l’insertion par l’activité économique mécontent
Objectif affiché : pousser les parlementaires à rédiger une proposition de loi qui viendrait modifier l’article litigieux, à l’image de ce qui c’est passé avec la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui a remanié les dispositions du Code 2004 relatives aux marchés réservés. Jérôme Grand d’Esnon, le directeur des affaires juridiques de Bercy, est loin d’être contre. Il estime également que le régime prévu pour les prestations allégées n’est pas satisfaisant. Du côté du conseil national de l’insertion par l’activité économique (CNIAE), une instance de consultation officielle qui planche sur le sujet, on n’est pas très satisfait non plus du régime imposé par le Code au secteur social. On en veut pour preuve l’ordre du jour de la réunion du CNIAE le 3 octobre : « faut-il demander une nouvelle formulation de l’article 30 du Code des marchés publics et/ou favoriser la communication en tendant à rechercher une ingénierie adaptée ? ». Tout un programme…
Des associations alertées trop tard
Tout avait bien commencé pourtant. Les différentes versions du projet de décret relatif au code des marchés publics proposaient une définition des prestations allégées tout à fait honorable aux yeux du monde associatif : « le projet, en ligne pendant plusieurs mois sur le site du Minéfi, avait le mérite d’avoir repris, à l’alinéa 2 de l’article 30, une partie de l’annexe 2B de la directive 2004 sur les marchés publics en citant expressément quatre catégories de marchés de services non soumis à la règle de mise en concurrence préalable : les services juridiques, les services sociaux et sanitaires, les services récréatifs, culturels et sportifs, les services d’éducation, de qualification et d’insertion professionnelles. Malheureusement, il n’est rien resté de l’alinéa 2 dans la version définitive du décret du 1er août 2006 », déplore-t-il. Que s’est-il passé entre-temps ? Patrick Loquet nous le raconte : « à l’occasion d’un déjeuner en compagnie de Jean-Baptiste de Foucault, inspecteur général des Finances, en charge d’une mission sur l’article 14 du Code, et de Michèle Hourt-Schneider, [ndlr sous-directrice de la commande publique à la direction des affaires juridiques de Bercy], le 7 juillet, j’apprends incidemment que l’article 30 a subi des modifications substantielles entérinées le jour même en conseil des ministres. Le rapporteur du conseil d’Etat, défavorable à l’alinéa 2, a demandé au ministère des Finances de modifier la définition des prestations allégées, au motif qu’aucune exception ne peut être tolérée au principe de la libre concurrence entre les entreprises », révèle-t-il.
Un jeu perdu d’avance
Ni une, ni deux, Patrick Loquet, une fois rentré chez lui, rédige un courrier à tous les membres du Conseil national de l’insertion par l’activité économique (CNIAE), dont il fait partie avec Jean-Baptiste de Foucault, pour alerter de la catastrophe annoncée et tenter de faire reculer le premier ministre sur le sujet. En vain. Après un temps d’hésitation, qui a retardé de quelques semaines la parution du Code 2006, Dominique de Villepin, suivant les préconisations de son conseiller économique, tranche en faveur de l’avis du Conseil d’Etat : « c’était définitivement plié pour l’article 30 », résume l’universitaire. « La définition actuelle est très décevante et va à l’encontre de la demande française de réécrire la directive Bolkenstein. On est en pleine contradiction. Notre position donne des arguments aux Etats qui s’opposent à l’annexe 2B et qui préconisent la libéralisation des services », regrette Patrick Loquet. Rejoignant le point de vue de la conférence permanente des coordinations associatives (1) et de Philippe Louveau, délégué national de l’association Chantier Ecole spécialisée dans l’insertion (2), ce dernier estime que le flou entourant la définition de l’article 30 risque fort de décourager les collectivités à adopter des dispositions contractuelles souples avec les opérateurs associatifs et de les inciter à généraliser l’appel d’offres par crainte du contentieux.
Un régime dangereusement flou
« Le dispositif choisi, basé sur un MAPA pour lequel un simple avis de publicité par voie d’affichage, site web ou fournitures de devis suffit, sera diversement apprécié et il est source de contentieux. La passation de prestations allégées va devenir très délicate pour les personnes publiques et va compliquer le jeu du côté des associations Elles vont devoir compter avec des règlements intérieurs pour savoir à quoi s’en tenir », analyse l’universitaire. Enfin, ce dernier défend bec et ongles l’idée que certains marchés, comme ceux de l’insertion qui sont subventionnés à 80%, ne peuvent être mis en concurrence : « quand on fait appel à un chantier d’insertion pour aménager une route par exemple, on doit garder en tête que l’on fait appel à des travailleurs touchés par des années de chômage à qui l’on réapprend à se lever tous les jours et à arriver à l’heure au travail. L’insertion n’est pas calibrée pour l’appel d’offres », défend-il. A ce titre, Patrick Loquet a mis au point un modèle de convention de clause d’insertion pour les marchés publics disponible sur le site « réseau 21 » de l’université de Valenciennes. On y trouve également un exemple de fiche de suivi de la clause établi par le conseil général du Nord.
Sandrine Dyckmans © achatpublic.info, le 01/10/2006
(1) lire : « Du rififi en perspective pour l’article 30 du Code 2006 »
www.achatpublic.com/news/2006/09/3/AchatPublicBreveALaUne.2006-09-11.3842
(2) lire dans ce dossier l’article : « L’insertion sociale, un marché de service totalement inadapté à la mise en concurrence »
Site réseau 21 de l’université de valenciennes : http://reseau21.univ-valenciennes.fr/


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