
Me Roland Lienhardt : il n’y a pas d’exception « culturelle »
Avocat spécialisé dans le domaine du droit de la création et de la gestion artistique, Roland Lienhardt se réjouit de la disparition de l’ancienne version de l'article 30-2. Pour lui, la programmation et la diversité culturelle ont tout à gagner d’une mise en concurrence officielle avec publicité et appel d’offres.

Avocat au barreau de Paris depuis 1997, Me Roland Lienhardt n’a pas sa langue dans sa poche. Il dénonce à qui veut l’entendre le méli-mélo juridique qui caractérise le paysage culturel français. Une ratatouille savamment entretenue par l’Etat, gestionnaire de fait de plusieurs milliers d’établissement culturels, pour contourner des règles de droit jugées trop contraignantes pour manager ce domaine. L’avocat revient par exemple sur la situation contestable juridiquement des maisons de la culture, sociétés de droit privé, mais sur lesquelles la rue de Valois a tout pouvoir grâce à ses subventions massives. Dans Nodula, sa lettre professionnelle qui traite de l’actualité du droit et de la gestion de la création artistique (1), il a même publié un petit bréviaire des prises illégales d’intérêts, des confusions en tout genre et autres manquements graves à notre législation. Me Lienhardt sait de quoi il parle puisque s’il est juriste de formation - il a en poche un DEA de droit de la propriété littéraire, artistique et industrielle - il est aussi un enfant de la balle. Auparavant consultant en droit et gestion de la création, il a officié dans le passé comme directeur de production, producteur, régisseur, coordinateur général du ballet du Louvre en 1987 et a présidé aux destinées du syndicat national des entreprises artistiques (SYNDEAC).
Indépendance artistique et tranquillité juridique
Selon lui, la disparition de l’article 30-2 est une bénédiction, dans le sens où la rédaction du nouveau Code poussera peut-être les personnes publiques à emprunter le chemin de la transparence, avec la publication d’avis d’appel à la concurrence et la mise en compétition. Car pour Roland Lienhardt il n’y a aucun doute : la culture entre bel et bien dans le champ concurrentiel. Il est même catégorique : une personne publique, à la tête d’une salle de spectacle, a tout à gagner à lancer un appel d’offres. «Lancer un marché n’empêche pas un élu de dire ce qu’il souhaite et de choisir les thèmes : je veux x spectacles d’opérette pour la population âgée de ma ville, x pièces pour les enfants, x œuvres d’auteurs contemporains vivants, en organisant sa mise en concurrence avec des lots différents. Il devra naturellement rédiger un cahier des charges suffisamment clair, précis et détaillé. Mais ce n’est pas son rôle de choisir tel ou tel artiste. » L’avocat se veut rassurant : les sociétés de production sauront soumissionner aux appels d’offres. « Répondre à un marché n’est pas plus compliqué que de déposer une demande de subvention pour laquelle il faudra remplir un dossier, et même effectuer un lobbying auprès des pouvoirs publics». En outre, poursuit Me Lienhardt, les besoins des établissements ne sont pas difficiles à connaître en raison du cycle régulier des programmations.
L’avocat spécialisé énumère toutes les vertus de la transparence et de la concurrence. Le système évitera, entre autres, au décideur d’avoir à répondre aux sollicitations permanentes d’amis et aux amis d’amis dont la fille ou la nièce est artiste, et limitera les retours d’ascenseur. « Il faut appliquer le Code des marchés afin de sortir du système du clientélisme et du copinage. Pour les collectivités territoriales, c’est aussi un moyen de s’affranchir de la dépendance de l’Etat». Passer une consultation, c’est respecter le droit dans toutes ses facettes. En signant avec un producteur, la personne publique n’aura plus de problème de gestion de contrats des artistes. La conclusion d’un marché signifie également la pérennité de la commande. « Distribuer des subventions reste le fait du prince qui peut changer de décision, en cas d’alternance politique, avec toutes les conséquences que l’on connaît» Enfin, faire appel à la concurrence, c’est rétablir la diversité culturelle, une diversité « qui n’existe pas en France. Il suffit de regarder les programmations des villes : elles sont identiques en fonction de la couleur politique. » C’est pourquoi il promeut les groupement d’achat. « Imaginez qu’une vingtaine de théâtres se regroupent. Un tel appel d’offres, avec sa surface financière, pourrait même être à l’origine de créations qui seraient ensuite joués dans chaque structure. » Cette ouverture à la concurrence pourrait avoir un dernier bienfait en décadenassant un marché toujours franco-français. « Les risques de contentieux générés par des sociétés de production étrangères dans les années à venir ne sont pas à négliger », prévient Me Lienhardt.
(1) www.nodula.com


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