Le contentieux : une catastrophe pour les petites collectivités

  • 03/11/2006

Passer un marché public ou une délégation de service public n’est pas chose aisée lorsqu’on ne dispose pas d’un service juridique permanent et qu’il faut s’adapter aux réformes successives de la réglementation. Quand en plus il faut gérer un contentieux, c’est souvent la catastrophe. Voilà une problématique qui se pose surtout aux petites collectivités territoriales ou petits établissements publics. Lorsqu’une commune de 3000 habitants parvient à passer une délégation de service public pour assurer la restauration scolaire, d’un centre de loisirs et d’un « pôle jeunes » et que la procédure est attaquée en référé devant le juge administratif, difficile de s’en sortir sans dommages. Au mieux, le tribunal administratif tranchera en faveur de la collectivité et, la plupart du temps, l’auteur du premier recours, souvent l’ancien prestataire, fera appel. Au pire, la procédure de passation du marché sera suspendue voire annulée et il faudra décider de l’appel ou se plier à la décision du juge…Banalisation du référéDans notre exemple, le tribunal a annulé en référé la procédure de passation de la délégation, décision confirmée par le Conseil d’Etat. Bilan de l’opération pour la commune, un an de procédure devant la justice, 3000 euros de frais de justice hors honoraires de son avocat, un retard dommageable pour le service public local et ses usagers et la nécessité de reprendre toute la procédure. En l’espèce, la procédure était entachée d’illégalités flagrantes. Mais on peut regretter avec Jean-Pierre Gohon, avocat au Barreau de Paris, la banalisation du référé précontractuel et l’a priori négatif du juge administratif envers l’administration qui le conduit à suspendre presque systématiquement les procédures de passation de marchés, et ce, même quand le recours n’a « qu’un accent de vérité » (1). Dans un autre contentieux, au fond cette fois, le Conseil d’Etat a récemment condamné une commune de 1200 habitants à verser à une entreprise près de 550 000 euros après seize années de procédure. Les juges ont confirmé la responsabilité de la commune qui n’a pas tenu un engagement pris par le maire en 1988 de fournir à l’entreprise des locaux adaptés pour y installer une unité de fabrication des produits laitiers. De quoi refroidir les velléités de certaines communes à favoriser l’implantation d’entreprises sur leur territoire.Privilégier la négociationIl est généralement rare de voir des ‘‘petites’’ collectivités ne pas se soumettre à une ordonnance ou à un jugement de tribunal administratif, selon Me Gohon. Les affaires montent rarement en cour administrative d’appel voire au Conseil d’Etat car cela nécessite non seulement l’engagement de frais conséquents, la rédaction d’un ensemble de documents mais aussi un temps pendant lequel l’action publique, le service public peut être paralysé. Raison pour laquelle ces personnes publiques privilégient la négociation en amont, la transaction ou le traitement amiable de telle ou telle réclamation d’un candidat évincé. Attention toutefois à mener ces opérations avec la prudence nécessaire. Accorder une indemnité à une entreprise qui menace d’un recours peut conduire à d’autres litiges. Face à la multiplication des risques de contentieux devant les juridictions administratives, les communes, soucieuses de respecter leurs engagements, doivent s'attacher les conseils de juristes et mobiliser leurs services pour défendre leur dossier. Les collectivités locales vont devoir, de plus en plus, consacrer une part non négligeable de leur budget aux frais de justice qui, par nature, sont imprévisibles. Des sommes qui peuvent alors être inscrit dans une section du budget des crédits pour dépenses imprévues (lire l’article « combien ça coûte »).Christophe Belleuvre © 01/11/2006(1) Lire notre article « Devant le juge du référé, la collectivité est d’emblée en position de faiblesse » www.achatpublic.com/news/2006/03/2/AchatPublicBreveInviteDuJeudi.2006-03-08.4858