Acheteur public, un métier de chien

  • 30/11/2006

Ne pas penser à tous les détails en rédigeant son cahier des charges peut conduire à des situations cocasses. Cette commune qui a passé un marché de gardiennage gardera sûrement un chien de sa chienne à l’un de ses prestataires.

Lorsque cette commune lance son marché de gardiennage, elle ne sait pas encore ce qui va lui arriver. Un marché à bon de commande en multiattribution censé lui permettre d’avoir sous la main des surveillants et des maîtres chiens pour assurer l’intégrité de bâtiments. Dans le cahier des clauses techniques particulières (CCTP), la personne publique détaille la qualification exigée des maîtres chiens et précise que l’animal qui accompagnera l’employé devra être « muselé ». Tout se passe bien jusqu’au jour où le prestataire envoie son salarié flanqué d’un…basset. Faut-il croire qu’un surcroît d’activité avait mobilisé tous les molosses et les bergers allemands de l’entreprise de surveillance ? En tout cas, le basset en question, quoique chien de chasse séculaire adapté au petit et au moyen gibier, n’impressionne pas grand monde, et surtout pas la collectivité un peu dépitée. Si l’animal a fait ses preuves de fin limier notamment aux côtés de l’inspecteur Columbo, il a aussi inspiré Tex Avery. On imagine la tête de la mairie face au lymphatique Droopy censé effrayer voyous et voleurs potentiels.

Une mésaventure qui a servi de leçon

On l’aura compris, la personne publique qui a procédé à l’examen des candidatures lors de la mise en concurrence se sent un tantinet flouée. Mais elle ne peut pas faire grand-chose. Contractuellement, l’entreprise a respecté ses engagements : le chien est muselé… Finalement le marché est stoppé pour d’autres motifs, et le CCTP est révisé. « Le secteur du gardiennage est un drôle de milieu. Il faut faire attention car certains prestataires ne sont pas très sérieux et emploient des intérimaires qui ne sont pas toujours qualifiés », commente l’avocat venu au secours de la collectivité pour rectifier le tir. « Lors de la rédaction du cahier des charges, le fonctionnaire n’a certainement pas réfléchi à la question, tellement cela lui semblait évident. » Au final, la mésaventure a eu du bon : la collectivité exige désormais les CV des employés des sociétés de gardiennage, une organisation de la surveillance plus rigoureuse, un contrôle sur la prestation et a écrit noir sur blanc la catégorie de chiens qu’elle souhaite voir au bout de la laisse... A bon entendeur salut. « Les cahiers des charges sont généralement mal rédigés et l’entreprise peut s’engouffrer dans la moindre faille », conclut l’avocat qui nous a relaté cette histoire entre chien et loup.

Jean-Marc Binot © achatpublic.info, 01/12/2006