Loin des yeux, loin du Code

  • 30/11/2006

Il se passe de drôles de choses loin de la métropole. Doit-on invoquer la chaleur ? Difficile autrement d’expliquer comment on peut appliquer le Code 2001 en 2004, demander une lecture « adaptée » de la réglementation lors d’un contentieux ou commettre deux fois consécutivement la même gaffe avec à la clef deux annulations de marché.

« Il y a le ciel, le soleil, et la mer... » Faut-il accabler la flore luxuriante, les plages paradisiaques, la chaleur ou les conditions de travail ? En tout cas, il s’en passe des choses loin de la métropole, enfin plus ou moins loin. Ainsi cet établissement public d’une île réputée pour sa beauté et ses maquis s’est-il fait remarqué pour ses achats passés sans marchés, ses marchés signés sans autorisation, et pour avoir appliqué le Code 2001 en juillet… 2004. Le bateau qui amenait le Journal officiel avait sans doute fait naufrage. A plusieurs milliers de kilomètres de là, une commune préférait ne pas s’embarrasser de paperasserie et ne passait aucun marché. Pas de délibération, pas d’appel à concurrence, pas de procédure. Elle allait directement à l’essentiel en passant des bons de commande à la queue leu leu. Autant d’histoires qui nourrissent des rapports de chambres régionales des comptes et qui plombent l’image des marchés extra-métropolitains. S’il ne s’agit de tomber dans un déterminisme primaire et de mettre dans le même sac tous les acheteurs publics, force est de constater qu’il existe néanmoins des spécificités locales. Un avocat l’a reconnu expressément en l’invoquant dans un mémoire de défense à l’occasion d’un référé précontractuel survenu pour un important marché de travaux. Le défenseur de la collectivité qui soulignait dans son argumentation que sa cliente alors qu’elle n’était pas soumise au code des marchés publics en l’absence de disposition expresse avait pris la peine de lancer un avis d’appel public à la concurrence, ajoutait quelques pages plus loin que la « situation juridique largement justifiée par son histoire et sa situation géographique » de la collectivité en question « appelle à une lecture adaptée des dispositions du code ». On ne saurait être plus clair…

De l’influence de la température sur les marchés publics

Cette réputation qui colle à la peau de l’outre-mer est même à l’origine d’une autre perle pour un autre référé précontractuel concernant une autre île. Il s’agit d’un marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage organisé par un conseil général à l’occasion de la rénovation d’un de ses bâtiments et qui est attaqué par un soumissionnaire évincé. Quelle mouche pique alors l’entreprise attributaire ? Personne ne lui demande rien. Pourtant son gérant décide de prendre la plume pour rédiger un mémoire de défense qu’il transmet à toutes les parties et dans lequel il démonte l’argumentation de son concurrent. Au fil des lignes, la moutarde lui monte au nez et l’entrepreneur se lâche. Critiquant le fondement de l’action en justice, il explique que « la requête n’aurait pour objet réel que de « punir » (le département X) pour manquement à une procédure administrative comme si, vu de Paris, ce qui se passe dans les DOM est forcément sujet à caution ou à irrégularité. Comme un « chevalier blanc » dont le devoir impose de dénoncer les collectivités à chaque fois qu’elle croit être témoin (même indirect) d’une irrégularité, la société Y confondrait donc cette procédure le département X avec une « république bananière ». On imagine que la température a du monter de plusieurs degrés pendant l’audience. Le mercure est sans doute aussi responsable de la bévue commise par cette administration déconcentrée outre-mer qui voit un de ses marchés de travaux annulé par le TA en raison d’un avis de publicité incomplet (mention sur le financement). Logiquement, elle relance la procédure mais pousse le vice en commettant une deuxième fois la même gaffe ! Vous l’aurez compris, le 2e marché a subi le même sort que le premier. Bis repetitae placent.

Jean-Marc Binot © achatpublic.info, 01/12/2006