Une application éparse, quand elle n’est pas inexistante…

  • 06/02/2007

La culture « marchés publics » a bien du mal à rentrer dans les mœurs. On en veut pour preuve les organismes soumis à l’ordonnance du 6 juin 2005 qui commencent à peine à respecter le texte, tandis que d’autres sont encore nombreux à n’y faire aucune référence.La liste des personnes publiques ou privées, qui doivent se plier à la réglementation de l’ordonnance, n’est pas exhaustive. Résultat, dans la pratique, c’est le flou total. Certains établissements reconnaissent facilement l’autorité du texte et commencent à l’appliquer, d’autres ne s’y intéressent carrément pas. Le théâtre national de Chaillot fait partie du premier cas. Depuis début 2006, l’établissement respecte les procédures détaillées dans le décret du 30 décembre 2005 : « Nous sensibilisons les services à cette réglementation. Cela se met doucement en place, explique Renaud Guitteaud, l’intendant du théâtre. Nous mettons en concurrence, nous nous adaptons aux seuils, nous passons des annonces. Avant, nous ne fonctionnions qu’avec des devis sans véritable mise en concurrence. L’ordonnance nous permet plus de réactivité et de rapidité pour nos achats hors représentations. » S'agissant des spectacles eux-mêmes, ce dernier avoue à demi-mot que les procédures ne sont pas respectées au-dessus des seuils car la durée des appels d'offres ne permettrait pas au théâtre de respecter le calendrier de sa programmation. Situation sensiblement identique pour le théâtre national de Strasbourg : l’établissement reconnaît être soumis à l’ordonnance et met en place progressivement un protocole pour ses marchés de prestations de services (les marchés de travaux sont passés par la direction régionale des affaires culturelles d’Alsace qui pilote les crédits d’investissement et gère ce type de marchés), mais il s’estime bien heureux d’être en dessous des seuils de la procédure d’appels d’offres pour ses achats car le théâtre ne respecte le texte que depuis l’automne 2006. Refus d’appliquer la réglementationD’autres structures préfèrent ne pas creuser la question pour ne pas s’y référer. « Je ne pense pas que cette législation s’applique à notre cas, mais surtout je ne veux pas en tenir compte », déclare sans ambages le service administratif d’une fédération sportive reconnue d’utilité publique et dont la majorité des fonds proviennent du secteur public. A la Comédie française - un EPIC national - même constat. Le service juridique ne fait référence à aucune réglementation en matière de marchés publics : « Nous recommandons à nos services de mettre en concurrence en demandant des devis. Pour les travaux, nous passons des annonces dans le BOAMP, comme par exemple pour les salles de répétition qui vont être construites sous les colonnes de Buren. Mais c’est tout », reconnaît le service de la comptabilité. Pourtant, l’administrateur général de l’établissement est nommé par décret, donc désigné par un pouvoir adjudicateur lui-même soumis au Code des marchés publics. Il est en outre assisté par un directeur général, nommé, sur sa proposition, par le ministre de la Culture. Un fonctionnement qui laisse penser que la Comédie française devrait se soumettre à l’ordonnance… Les fédérations sportives dans l’illégalité ?S’agissant des fédérations sportives, il existe un faisceau d’indices qui, s’il ne permet pas d’emblée de les ranger dans la catégorie des pouvoirs adjudicateurs, ne les en exclut pas pour autant catégoriquement. Associations de type loi 1901, elles sont reconnues d’utilité publique et reçoivent une délégation du ministère de la Jeunesse et des Sports. Cependant, leur comité de direction est élu par des membres internes et elles fonctionnent généralement en toute indépendance par rapport à l’Etat et aux collectivités. Quant à leur gestion, celle-ci ne supporte a priori aucune intervention publique. Il existe néanmoins des exceptions. C’est le cas, par exemple, de la fédération française de gymnastique pour laquelle « le ministère de la Jeunesse et des Sports effectue un contrôle sur la subvention qu’il verse », indique Dominique Maillot-Breillat du service juridique. Elles reçoivent généralement des fonds publics, mais dans des proportions inégales : de l’ordre de 2% dans les revenus de la fédération française de tennis, de 30 % pour la fédération française de gymnastique et de 52% pour la fédération française d’aviron. Leur appartenance ou non à l’ordonnance semble une affaire de cas par cas. Ce qui ne les exonère pas, pour autant, de se questionner sérieusement sur le sujet : « Dès qu’il y a un lien fort avec l’Etat et que l’entité fonctionne dans un milieu peu ou pas concurrentiel, elle a de fortes chances d’être visée par l’ordonnance », alerte Thomas Laffargue, avocat chez De Gaulle, Fleurance et associés. Or, à l’heure actuelle, aucune fédération sportive ne semble appliquer sa réglementation. La plupart se contente de demander des devis. Bénédicte Rallu © achatpublic.info, le 01/02/2007